ée de la Maison Lejaby, le 10 janvier 2013 à Rilleux-La-Pape, dans le Rhône (Photo : Jeff Pachoud) |
[04/03/2014 14:54:22] Villeurbanne (AFP) Le carnet de commandes est plein, les machines à coudre tournent, les couturières continuent leur ouvrage: à Villeurbanne, les “Atelières” dont une poignée d’ex-Lejaby, sont hébétées à l’idée de devoir fermer, juste par manque de financement des banques.
Dans leur usine aux murs blancs, discrètement installée au fond d’une cour à Villeurbanne, près de Lyon, un calme studieux règne mardi matin, hormis le bruit de fond des machines à coudre.
Comme si de rien n’était ou presque, les couturières travaillent, ici la dentelle, là sur le patron d’un futur maillot de bain. Des jeunes femmes, ciseaux à la main, naviguent d’un poste à l’autre, la règle d’or étant la polyvalence. Un “atout” indéniable pour être réactif et assurer les commandes de lingerie haut de gamme, souligne Micheline Rodriguez, formatrice aux Atelières, passée par de grandes maisons de couture en France et à l’étranger.
Mais, ajoute Micheline, “C’est du gâchis, voilà . On y croyait, on espérait et on a été trompés parce qu’on a pas été soutenus”.
L’annonce, la veille, par leur patronne de devoir demander la liquidation de cette société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), née il y a un peu plus d’un an, a été un choc. La SCIC compte 30 salariés dont 5 ex-Lejaby.
ée de la Maison Lejaby, le 10 janvier 2013 à Rilleux-La-Pape, dans le Rhône (Photo : Jeff Pachoud) |
“Je suis une ex-Lejaby, ici depuis le début de l’aventure. Après mon licenciement de Lejaby, Muriel Pernin (fondatrice des Atelières, ndlr) a tout fait pour sauver notre emploi, et malheureusement, aujourd’hui…”, soupire, les larmes aux yeux, Jacqueline, 50 ans.
A ses côtés, Kim 24 ans, coupe des prototypes de maillots de bains, que sa collègue Gladys va ensuite monter. L’entreprise “privilégie les fournisseurs français et la proximité avec les clients”, explique-telle.
L’annonce de la liquidation a été “vraiment un gros coup. On n’avait plus trop de motivation pour travailler mais, ce matin, on relativise. On est pas à l’abri d’un miracle!”, ajoute la jolie brune.
– “Fumisterie” –
“Je ne veux plus que nous nous battions tout seuls comme une sorte d’icône française du courage. Est-ce que l’Etat a envie que la filière corsetière existe en France ?”, enrage Muriel Pernin, présidente et fondatrice des Atelières.
ée de la Maison Lejaby, le 10 janvier 2013 à Rilleux-La-Pape, dans le Rhône (Photo : Jeff Pachoud) |
Elle estime que la filière de la lingerie haut de gamme est “anéantie” par la délocalisation. “Cela fait trente ans que les marques travaillent avec des ateliers au Maghreb ou en Asie, elles ne savent plus du tout ce que c’est une relation humaine avec les ateliers. Est-ce qu’elles ont envie de faire de la fabrication française ?”, interroge cette femme, en larmes devant des caméras de télévision. “Le +made in France+ est la plus grande fumisterie qui soit”, lance-t-elle furieuse.
Elle dénonce aussi l’attitude des banques qui ont refusé de les financer via un fonds de revitalisation de près de 600.000 euros, pourtant monté par le préfet du Rhône, Jean-François Carenco. “Et aujourd?hui les banques nous exécutent avec de l’argent qui ne leur appartient pas!”, ajoute Muriel Pernin.
Une absence de soutien fatale, alors que depuis le début de l’année, soit en deux mois, explique Philippe Solze, directeur administratif et financier, la société coopérative a déjà reçu des commandes de 14 à 15.000 pièces, pour un total de 35.000 pièces prévues dans l’année.
“On peut pas lâcher, on mobilise nos dernières énergies cette semaine en allant devant le tribunal de commerce”, assure M. Solze.
Ironie du sort, parmi les clients des Atelières figurent Courrèges et… Lejaby, qui défile en ce moment sur les podiums parisiens. Cette marque, qui ne perd plus d’argent, emploie quelque 200 personnes et en a récemment embauché treize pour perpétuer “le savoir faire des couturières-corsetières”.