Longtemps l’administration s’est employée à s’auto-réformer, hélas en vain, sans succès notable. Cette fois elle change son fusil d’épaule et entreprend de se concerter avec le secteur privé, pour revoir ses procédures.
L’administration accepte enfin de se mettre en intelligence avec la réalité du terrain et d’abandonner sa posture archaïque de puissance publique omnipotente.
L’initiative mérite que l’on s’y attarde. L’administration s’engage dans un projet de simplification de ses procédures qui régissent l’activité économique. Sept ministères sont concernés, entre autres le Commerce, l’Industrie et l’Emploi. Mille-cent procédures seront mises à plat. Le huitième département, celui des Finances, fait cavalier seul et a déjà initié le chantier pour cinq cents décrets, circulaires et notes communes.
La nouveauté, cette fois, est que le secteur privé est associé au projet. C’est l’IACE qui fait office de bureau d’études se chargeant d’organiser la consultation avec les chefs d’entreprise, à l’échelle nationale. Deux mille entreprises sont sur les rangs.
L’abandon de la bureaucratie ne manquerait pas de doper la croissance dans le pays. Le moment est on ne peut plus propice. Comme quoi, tout arrive à point pour celui qui sait attendre, longtemps!
Tout passe à la moulinette
L’anecdote est de Fares Bessrour, DG à la présidence du gouvernement. A la réception d’un livre commandé à l’étranger, la douane réclame le règlement de 39 dinars. Il demande à voir le texte qui institue ce droit. Il n’en existe pas, c’est la douane qui réclame ce paiement d’une démarche régalienne, forte de ses prérogatives. C’est bien cet état de fait et cet état d’esprit qu’il faudra définitivement conjurer. La messe est dite.
Antoine Courcelle-Labrousse, représentant de l’IFC (Banque mondiale), premier sponsor du projet, le rappellera sans management. Trop de règlements exaspèrent les milieux d’affaires. Et d’ajouter que selon les estimations du FMI, la complexité des procédures et l’excès de formalisme sont responsables du tiers du secteur informel dans le pays. Cette même chape administrative est tenue pour responsable de l’opacité dans le secteur privé. Et, last but not least, cela coûte cher à l’entreprise ainsi qu’à l’Etat. L’entreprise perd en compétitivité et l’Etat en PIB. C’est un jeu “perdant-perdant“.
Le réalisme a enfin prévalu et l’administration accepte d’opérer avec expertise conviant le secteur privé à se prononcer sur la question.
Un planning précis, le principe des trois listes
A partir des 1.100 procédures dans le viseur du projet, on doit aboutir à trois listes. La première serait celle des procédures qui passibles de la guillotine, c’est-à-dire qui seront abandonnées.
La deuxième comprend les procédures qui seront modifiées, alors que la troisième comportera celles qui seront conservées mais légèrement améliorées.
Une première phase a déjà été accomplie par l’administration. En effet, celle-ci a arrêté une liste de deux cents procédures contraignantes. De même que l’expliquera Majdi Hassen, chef du projet à l’IACE, les entreprises sont sondées pour voir si elles agréent la liste des deux cents ou si on se retrouve avec un chiffre différent. Le principe est que trois entreprise au moins doivent déclarer une procédure comme contraignante pour qu’elle soit acceptée comme telle.
Enfin, toute la consultation nationale se terminera fun mai prochain avec un ensemble de recommandations qui va dans l’esprit des trois listes. Et de même que l’affirmera Anouar Ben Khelifa, secrétaire d’Etat auprès du chef du gouvernement chargé de la Gouvernance et de la Fonction publique, l’administration statuera sur la question à la fin du mois de septembre. Le planning a l’air de tenir la route.
La guillotine ou le rabot, le benchmark international
Prévenant et pondéré, Ahmed Bouzguenda, président de l’IACE, oscillera entre l’usage de la guillotine et le recours au rabot pour évoquer l’abandon des procédures contraignantes, rappelant bien que les pays qui ont procédé à ce genre de simplification ont gagné en performance. C’est bien de guillotine qu’il s’agit, appuiera plaisamment Pierre Cambernous, ambassadeur de Suisse, qui parlera de l’expérience de son pays, au demeurant autre sponsor du projet.
Walid Bel Haj Amor, V/P de l’IACE, confirmera bien qu’il faut user de guillotine. Ce n’est pas d’un acharnement contre la bureaucratie et ses méfaits dont il faut procéder mais du benchmarking qu’il a réalisé à partir d’expériences aussi riches et efficaces que celles de la Suède ou de la Corée du Sud.
De même qu’il le démontrera, l’expérience coréenne qui a inspiré le projet tunisien est fort édifiante. Les lois pesantes ont bel et bien été passées à la guillotine.
Le principe est simple: “toute formalité est suspecte jusqu’à ce que son efficacité soit prouvée“. Ce qu’il faut voir, c’est le temps de concrétisation d’un investissement. Plus ce temps est court et plus les procédures confortent l’effet d’appel et d’attractivité d’un pays.
En bout de course, en simplifiant on réactive la concurrence et donc le dynamisme de l’économie. Et cela se calcule. Les Coréens ont en effet chiffré le retour sur investissement de ce travail de simplification. Et cela s’est avéré payant.
Ahmed Bouzguenda dira qu’au bout du compte, il s’agit d’inverser la perception négative de l’administration par les chefs d’entreprise afin de purger le climat d’affaires dans le pays. Et Anouar Ben Khelifa, secrétaire d’Etat, de confirmer que cela mérite bien que l’on taille dans le vif. Alors, ce sera la guillotine!