Le nouveau district financier de Londres (Photo : Leon Neal) |
[05/03/2014 15:30:34] Londres (AFP) “Refuge” préféré de nombreux milliardaires russes, Londres aurait beaucoup à perdre en cas de sanctions contre la Russie, estiment des analystes. De quoi pousser un peu plus le gouvernement Cameron dans sa défense des intérêts de la City.
“Des sanctions contre la Russie pourraient faire mal à Londres et donc à la Grande-Bretagne, Londres étant le coeur de l’économie britannique”, juge Joshua Raymond de City Index.
Elle serait affectée “en premier lieu car un montant considérable d’actifs russes se trouvent en Grande-Bretagne”, souligne l’analyste.
Des géants des hydrocarbures Gazprom, Rosneft ou Loukoïl, à l’opérateur de téléphonie mobile MegaFon en passant par la banque Sberbank, 70 sociétés russes sont cotées en partie à la Bourse de Londres.
Et les somptueuses résidences des quartiers chics de Kensington ou de Chelsea, dont le club de football appartient à l’oligarque Roman Abramovich, abritent nombre de ressortissants russes. A tel point qu’une série télé baptisée “Meet the Russians” leur a été consacrée.
Selon une étude publiée récemment par le constructeur de jets privés Beechcraft Corporation, les Russes se classent sur la première marche du podium des étrangers ayant acheté des biens immobiliers d’une valeur supérieure à un million de livres l’an dernier. 264 d’entre eux ont déboursé au total 650 millions d’euros.
“Si ces actifs sont gelés et que les Russes ne peuvent pas acheter d’immobilier à Londres, cela mettrait fin à l’une des sources de la bulle de prix londonienne, mettant en danger les prix des biens londoniens”, ce qui aurait un effet boule de neige sur l’économie britannique dans son ensemble, craint Joshua Raymond.
– Ne pas fermer la City aux Russes –
De quoi pousser le gouvernement Cameron à tout faire pour éviter que d’éventuelles sanctions contre la Russie n’aient un impact sur l’économie britannique et la City de Londres ?
Vue du nouveau quartier financier de Londres de Canary Wharf (Photo : Miguel Medina) |
C’est ce qu’il semble à en croire un document tenu en main par un conseiller du Premier ministre et saisi au téléobjectif par un photographe devant Downing Street : le gouvernement “ne devrait pas soutenir, pour l’instant, des sanctions commerciales (…) ou fermer aux Russes le centre financier de Londres”, pouvait-on y lire.
Une vision partagée par la communauté financière. “Ils doivent sauvegarder le marché immobilier, ils doivent sauvegarder la City d’une façon ou d’une autre”, juge Ishaq Siddiqi d’ETX Capital.
Afin de tenter de faire taire les critiques qui pourraient émerger contre une Grande-Bretagne plus soucieuse des intérêts de la City que de l’Ukraine, le ministre des Affaires étrangères William Hague a assuré mardi devant le Parlement que ce document ne constituait “pas nécessairement un exposé des décisions que prendra le gouvernement de Sa Majesté”.
“Nous restons très ouverts aux options” qui permettraient de trouver une issue à la crise ukrainienne, a-t-il ajouté.
Si les sanctions sont évitées, Londres pourrait même en ressortir gagnante, l’instabilité en Ukraine et en Russie pouvant amener encore plus de riches Russes à investir dans la pierre sur les rives de la Tamise, anticipent les analystes.
Cela serait “une bonne chose pour le marché londonien” dont les “prix continueront à grimper”, estime Ishaq Siddiqi.
“Le marché immobilier londonien semble être +the place to be+ pour les oligarques russes”, un “refuge” alors que “de très nombreux Russes voient Londres comme la deuxième ville après Moscou”. Et “ce que nous allons voir est une intensification” de ce phénomène avec “des capitaux frais arrivant dans le marché immobilier britannique”, croit-il savoir.
La chute du rouble, qui s’est très fortement accentuée ces derniers jours en raison de la crise ukrainienne, a en effet déjà entraîné depuis des mois des sorties massives de capitaux de Russie, rappelle l’analyste.
Selon un rapport du groupe immobilier Knight Frank, 37% des personnes très riches provenant de Russie ou des anciennes républiques soviétiques envisagent de changer de pays de résidence contre 15% en moyenne dans les autres pays. Avec comme destination préférée… la Grande-Bretagne.