à Sydney (Photo : Saeed Khan) |
[06/03/2014 07:19:45] Sydney (AFP) Le géant américain Apple a transféré vers l’Irlande des milliards de dollars de bénéfices réalisés en Australie pour échapper à l’impôt dans ce pays, révèle jeudi le principal quotidien économique australien, alors que le G20 tente de mettre fin à ces pratiques.
La très respectée Australian Financial Review (AFR) a obtenu les bilans financiers sur dix ans d’Apple Sales International, une division d’Apple qui est, selon le quotidien, au c?ur du système d’optimisation fiscale mis au point par le groupe technologique.
Selon le journal, quelque 8,9 milliards de dollars australiens (5,85 milliards d’euros) de bénéfices avant impôts réalisés sur dix ans en Australie ont été transférés vers une structure en Irlande, où les taxes représentaient seulement 0,7% du chiffre d’affaires.
En 2013, Apple avait déclaré un bénéfice avant impôts de 88,5 millions AUD en Australie, après avoir transféré vers l’Irlande, via Singapour, quelque 2 milliards AUD de chiffre d’affaires, ajoute l’enquête de l’AFR.
Apple n’a pas souhaité répondre aux questions de l’AFP. Par le passé, l’entreprise a toujours dit agir dans le respect de la loi.
L’Australie est déterminée à récupérer les impôts que les groupes évitent de payer sur son sol, a réagi le secrétaire d’Etat aux Finances, Mathias Cormann.
“Les entreprises opérant à travers le monde ne payent pas nécessairement le montant juste des impôts là où ils ont dégagé leurs bénéfices”, a-t-il dit, sans nommer un groupe en particulier.
“Dans la plupart des cas, les groupes agissent en conformité avec la loi. Mais est-ce équitable?” a renchéri le ministre du Commerce, Andrew Robb, auprès de l’Australian Broadcasting Corporation.
“Est-ce ainsi qu’ils devraient agir en tant que groupes qui bénéficient grandement de l’économie australienne?” s’est-il interrogé. “Non, et nous devons réfléchir à tout cela avec une perspective mondiale. C’est ce que nous faisons avec le G20”.
– Pas d’impôts sur 44 milliards USD de bénéfices –
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) examine actuellement la question à la demande des ministres des Finances du G20 à travers le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting, soit en substance “Erosion de l’assiette et déplacement des profits”). Elle doit présenter son rapport lors d’une réunion du G20 à Cairns (Australie) en septembre.
Les réformes envisagées sont censées prémunir les multinationales contre la double imposition, tout en leur faisant comprendre qu’elles doivent verser leur contribution.
Des multinationales comme Google, Apple, Starbucks ou Amazon sont dans le collimateur de plusieurs gouvernements occidentaux, en Europe notamment.
En France par exemple, grâce à une série de montages financiers parfaitement légaux, le géant de l’internet Google ne paie qu’un faible pourcentage d’impôts. La quasi-totalité de ses revenus, déclarés en Irlande après un passage aux Pays-Bas, est ensuite transférée dans le paradis fiscal des Bermudes, où est située la filiale Google Ireland Holdings.
L’Irlande pratique un taux très bas d’imposition des sociétés, de 12,5%.
Antony Ting, professeur sur la fiscalité des entreprises à l’Ecole de commerce de l’université de Sydney, qualifie de “crédibles” les chiffres révélés par l’enquête du quotidien économique australien.
“Apple est parvenu à ne pas payer d’impôts sur 44 milliards de dollars US de bénéfices (32 milliards d’euros) ces quatre dernières années, tous pays confondus”, avance-t-il, sur la base d’un rapport à paraître en avril dans la British Tax Review (Revue britannique sur la fiscalité).
D’autres grandes entreprises font de même, précise-t-il.
“Les structures sont parfaitement légales. C’est ça le problème. Les gouvernements devraient faire plus pour mettre un terme à ces failles”.