Suède : les maternelles gagnées par le numérique

05e46d28958eef683f25e8244ef05ecf5aa26b32.jpg
une maternelle de Stockholm utilisent des iPads, le 3 mars 2014 (Photo : Jonathan Nackstrand)

[06/03/2014 09:26:46] Stockholm (AFP) Mia, 2 ans, dessine une lettre sur l’écran avec son index, puis tape dans les mains avec bonheur quand l’ordinateur chante “merveilleux!” et l’applaudit d’un son métallique.

Les élèves de maternelle de l?École internationale de Tanto, dans le centre de Stockholm, sont en train de se familiariser avec ces nouvelles tablettes iPad. Il y en a une pour deux enfants, et elle les rend très bavards.

“Ils aiment beaucoup jouer avec cette application. C’est vraiment bien pour l’apprentissage de la prononciation”, explique à l’AFP l’enseignante, Helena Bergstrand.

Comme 90% des enseignants sondés par la municipalité, Mme Bergstrand trouve que les iPads et les tablettes motivent les enfants à apprendre.

“Il y a un intérêt immédiat avec un iPad (…) Ils adorent!”, s’enthousiasme-t-elle, alors qu’elle fait le tour d’une table pour aider des élèves. “C’est plus interactif”.

– “Beaucoup de communication” –

“Les enfants s’assoient d’habitude ensemble dans un groupe et c’est très collaboratif, il y a beaucoup de contact physique et de communication orale”, remarque Petra Petersen, qui rédige une thèse en sciences de l’éducation l’Université d’Uppsala (Est de la Suède).

Pour elle, les nouvelles technologies sont particulièrement attrayantes pour les jeunes enfants. Elles offrent “des couleurs, des sons, des mots parlés, des choses qui intéressent les enfants (…). On apprend mieux en s’amusant, et les enfants s’amusent beaucoup avec elles”.

En Suède comme dans beaucoup d’autres pays occidentaux, les bambins jouent sur des tablettes et ordinateurs chez eux bien avant de les rencontrer à l’école.

D’après le Conseil national des médias, près de 70% des Suédois de deux à quatre ans jouent à des jeux vidéo, et à deux ans, 45% ont déjà surfé sur internet.

“C’est plus ou moins une priorité dans les écoles maintenant de combler le fossé entre l’école et l’environnement où les enfants vivent”, affirme un spécialiste informatique du ministère de l’Éducation nationale, Peter Karlberg, en faisant référence aux milliers de tablettes introduites dans les écoles publiques et privées du pays.

Reste pour les enseignants à s’adapter à cette nouveauté. Un sur deux estime qu’il lui faudrait une formation spécifique.

– Minecraft pour enseigner les maths –

Felix Gyllenstig Serrao, un enseignant de Göteborg (ouest de la Suède), utilise plus que d’autres les ordinateurs. Il a fait du jeu de construction Minecraft, créé par un Suédois, un outil destiné aux enfants qui souffrent de problèmes de comportements et de concentration, y compris les Troubles du déficit de l’attention (TDAH) et le syndrome d’Asperger, une forme d’autisme.

4a4bf7cccc7036065b8b72d6a27970a6d83c7c46.jpg
édois travaillent sur des tablettes, dans une école maternelle de Stockholm, le 3 mars 2014 (Photo : Jonathan Nackstrand)

Minecraft “est ouvert et créatif (…) Je l’utilise en général pour rendre un sujet plus vivant”, explique-t-il.

Passionné de jeux vidéo lui-même, M. Serrao enseigne aux 12-15 ans les mathématiques ou l’histoire grâce à ce jeu. Souvent surnommé “le Lego numérique”, il lui permet de rendre les problèmes mathématiques plus concrets ou d’illustrer des scènes tirées des manuels d’histoire, une fois la leçon théorique terminée.

“Ça renforce ce qu’ils apprennent: quand ils se remettent au jeu plus tard et qu’ils voient une pyramide ou une ville qu’on a construite, ils se remémorent la leçon”.

Pour lui, la Suède a encore du chemin à parcourir avant que les écoles exploitent au maximum le potentiel du numérique. “Il y a encore un tabou autour des jeux. Quand je parle de ça à des enseignants plus âgés (…), ils estiment que les jeux vidéo n’ont rien à voir avec les apprentissages”.

– Aider l’enseignant, pas le remplacer –

Jonas Linderoth, un chercheur en sciences de l’éducation de l’Université de Göteborg spécialiste des jeux vidéo, voit un danger à mettre des tablettes entre les mains des tout-petits et à surestimer la valeur éducative des jeux.

“Cette technologie n’était pas disponible il y a encore trois ans et maintenant le discours c’est qu’on ne peut plus imaginer une école maternelle sans tablette (…). La vie d’un enfant de trois ans est assez complexe comme ça”, commente-t-il, ajoutant que ces technologies mangent le temps d’autres activités.

“La plupart des enfants ont accès à cette technologie à la maison (…) Mais de moins en moins de parents leur font la lecture. Les écoles maternelles devraient compenser”.

Quant aux visions futuristes d’élèves apprenant sans le moindre effort à l’aide de jeux vidéo, elles le laissent dubitatifs: “Le vrai apprentissage demande de travailler dur!”