La
Tunisie vit un moment historique au cours duquel elle peut choisir un nouveau
modèle économique et sociétal pour devenir le «tigre de la Méditerranée». C’est
en tout cas ce qu’estime Antonio Nucifora, économiste principal de la Banque
mondiale (BM) pour la Tunisie, au sein de la région MENA. «Cela requiert une
nouvelle vision de développement du pays partagée par tous les tunisiens, sur la
manière de créer un environnement économique plus sain qui encourage
l’investissement et la productivité», a-t-il ajouté lors d’une séance d’audition
organisée mercredi par la commission des finances, de la planification et du
développement à l’Assemblée nationale constituante(ANC).
Améliorer le rôle de l’Etat…
Le rôle de l’Etat dans cette démarche reste fondamental, mais il faut
l’améliorer, a estimé l’expert. Il s’agit de passer d’un Etat interventionniste
à un Etat stratège et régulateur qui prépare le terrain, tout en restant neutre,
selon Nucifora. Il a fait remarquer que la préservation de la stabilité
macro-économique exige des réformes pour contrôler les dépenses publiques en vue
de dynamiser l’économie (attirer les investissements, améliorer la productivité
et la compétitivité et stimuler la création d’emplois).
L’expert a souligné que le rapport de la BM sur la Tunisie élaboré sur le thème
«la révolution inachevée: générer des opportunités, de bons emplois et une
prospérité partagée», publié le 4 mars 2014, recommande d’éliminer les barrières
à la concurrence dans plusieurs secteurs clés de l’économie et de simplifier le
cadre réglementaire.
Le rapport préconise, en outre, de réformer le secteur bancaire, de moderniser
le régime de faillite des entreprises et de traiter le dossier de l’endettement
dans le secteur touristique. La poursuite du dialogue social à travers
l’amélioration de la réglementation du travail, la réforme du système de
sécurité sociale et la suppression de la dichotomie entre entreprises résidentes
et non résidentes et le développement d’une stratégie industrielle, figurent
également parmi les recommandations proposées par le rapport.
D’après le rapport, la Tunisie est appelée à mettre en place une stratégie
offensive d’export, à accélérer les négociations d’intégration commerciale avec
l’Union européenne (UE), à booster l’agriculture et à s’attaquer à la dichotomie
côte-intérieur (onshore/offshore). Il s’agit également de protéger les
catégories sociales vulnérables à travers la réforme du système de compensation
et la révision du code de la fiscalité.
Il est également question de réviser le système d’éducation en conférant une
plus grande autonomie au secteur de l’enseignement supérieur et en oeuvrant à
améliorer le rendement de la formation professionnelle.
Des distorsions…
Le rapport a décelé en outre, plusieurs distorsions qui ont amené la Tunisie à
une impasse et un paradoxe économiques, a indiqué l’expert. «Autant elle dispose
de plusieurs atouts (main d’œuvre qualifiée, administration publique forte et
bien établie, bonne infrastructure, position géographique stratégique), autant
ce potentiel économique peine à se concrétiser », a-t-il argué.
En effet, depuis les années 70, la Tunisie a adopté un modèle économique basé
sur le rôle central de l’Etat, dont l’inefficacité a été prouvée après la
révolution, a encore ajouté l’expert. Pour Nucifora, l’impasse économique en
Tunisie est reflétée par une allocation inefficiente des ressources dans des
secteurs à faible productivité et une paralysie du secteur privé. Cette
situation a entraîné une intégration internationale trompeuse du pays, limitée à
l’assemblage de produits au profit de l’UE et à des activités à faible
productivité.
Selon l’expert de la BM, l’environnement économique en Tunisie a empêché
d’instaurer les bonnes règles de la concurrence et de promouvoir la
compétitivité des entreprises et a favorisé la prolifération de la corruption.
Trois ans après la révolution, les politiques et réglementations économiques
n’ont pas encore été modifiées, a-t-il argumenté.
Dysfonctionnements dans le secteur financier…
En ce qui concerne le secteur financier, l’expert a souligné que ce domaine, aux
dysfonctionnements profonds, se trouve incapable d’orienter les ressources
financières vers les projets productifs.
De son côté, Moncef Cheikhrouhou, président de la Commission des finances à
l’ANC a appelé à la nécessité d’instaurer un dialogue économique et social
devant aboutir à un consensus au sujet des réformes à engager par le
gouvernement pour faire face aux défis de l’heure. Et d’ajouter, que ces
réformes ne peuvent être engagées que dans le cadre d’un consensus national et
après parachèvement du dialogue national.
WMC/TAP