Portugal : avec le flottant, l’éolien se rêve de nouvelles mers

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çadoura le 5 mars 2014 (Photo : Marc Préel)

[07/03/2014 12:39:19] Porto (Portugal) (AFP) Elle pèse près de 1.500 tonnes, culmine à 85 mètres, et pourtant, elle flotte, droite comme un i, insensible à la houle de l’Atlantique: au nord de Porto (Portugal) tournent les pales de “Windfloat”, une des trois seules éoliennes flottantes en fonctionnement dans le monde.

Cette technologie… émergente, dont le modèle économique reste encore à confirmer, a pour principal avantage de pouvoir être installée dans des mers trop profondes pour des éoliennes en mer classiques, posées au fond de l’eau.

Avec son éolienne dressée sur une grande plateforme triangulaire de 45 mètres de côté, le prototype exploité depuis fin 2011 par l’électricien national EDP, à six kilomètres au large d’Aguçadoura, résiste aux immenses vagues caractéristiques de cette côte portugaise.

“On a déjà eu des creux de 19 mètres, et elle a tenu. Et elle peut produire de l’électricité même avec des creux de 6 ou 7 mètres”, explique le responsable du projet, Carlos Martin Rivals, lors d’une visite de presse.

La clé ? Trois ballasts semi-immergés, remplis de plus de 1.000 tonnes d’eau de mer, qui s’équilibrent les uns les autres en permanence grâce à des tuyaux qui les relient entre eux, permettant à l’éolienne de 2 mégawatts de rester parfaitement verticale. Le tout est simplement accroché par une cinquantaine de mètres de fond avec 4 ancres, des câbles et des chaînes.

“Une éolienne en mer classique peut être posée au fond de la mer jusqu’à environ 50 mètres, guère plus. Ici au Portugal, ce n’est pas possible, car le fond de la mer descend trop vite”, explique M. Martin.

Une situation qui prévaut aussi au Japon, sur la côte ouest des Etats-Unis, en Méditerranée et une partie de la façade atlantique européenne, hypothéquant le développement de l’éolien en mer dans ces secteurs… sauf à miser sur de l’éolien flottant.

– Un coût encore mal défini –

On recense une vingtaine de projets plus ou moins avancés à travers le monde, avec des technologies différentes, dont trois en France (projets Windflo, Ideol et Nénuphar). Une éolienne flottante fonctionne en Norvège depuis 2009, celle d’EDP depuis fin 2011, mais c’est un troisième modèle installé l’an dernier par Mitsubishi au large de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima qui a braqué les projecteurs sur la technologie.

Le Japon, engagé dans un défi énergétique avec l’arrêt de ses réacteurs nucléaires, et avec peu de place pour l’éolien à terre, semble décidé à mettre les bouchées doubles.

D’ici 2017, EDP veut pour sa part avoir terminé une première ferme “pré-commerciale” avec trois à cinq éoliennes, toutes deux fois plus grandes que le prototype actuel, conçu par une start-up franco-américaine. Au total, elles afficheront une capacité de 25 mégawatts, pour un budget avoisinant les 130 millions d’euros.

Encore coûteuse, cette technologie aura-t-elle un avenir commercial?

“Le problème reste le coût, on est quand même sur un prototype qui est de l’ordre de 20 millions d’euros pour seulement 2 mégawatts. Donc c’est tout le défi du flottant”, souligne Philippe Déchelotte, le directeur de Neoen Marine, partenaire d’EDP dans les appels d’offres dans l’éolien en mer en France.

“Il ne faudrait pas qu’on oublie que le présent, la réalité, c’est l’éolien en mer posé”, dit-il.

EDP ne donne pas encore de coût au mégawattheure pour son éolien flottant, le juge de paix habituel de compétitivité.

Même si la technologie permet d’aller jusqu’à plusieurs centaines de mètres de fond, les parcs devront rester à une distance raisonnable de la côte, pour éviter des coûts de raccordements prohibitifs au réseau électrique terrestre.

“Que ça soit dans 5 ans, dans 10 ans… L’éolien flottant sera un pinceau de plus sur la palette”, juge Frédéric Lanoë, le dirigeant de France Energie Eolienne (FEE) et d’EDP Renouvelables en France.

En France, où l’administration interroge actuellement les industriels pour évaluer l’avenir du flottant, on peine déjà à trouver le nombre suffisant de sites pour atteindre l’objectif de 6.000 mégawatts d’éolien en mer “posé”.

Une piste suggérée par M. Lanoë serait de lancer un appel à projets pour des premiers parcs flottants de quelques dizaines de mégawatts, par exemple en 2015, sur le modèle de ce que le gouvernement vient de démarrer dans l’hydrolien, qui utilise les courants sous marins.