à Candy Crush sur une tablette numérique (Photo : Philippe Huguen) |
[08/03/2014 13:30:16] Londres (AFP) Avec trois jeunes enfants et un travail à temps plein, Emma Martini a peu de temps pour elle. Pourtant, chaque soir, elle s?assoit au bout du lit de son fils pour le rassurer le temps qu’il s’endorme, et joue à Candy Crush sur son smartphone.
Ce jeu, téléchargeable gratuitement sur smartphones, tablettes et Facebook, revendiquait en décembre 2013 être joué 700 millions de fois chaque jour dans le monde. Il consiste à aligner des combinaisons de trois bonbons identiques sur une sorte de damier numérique.
Ce principe, qui n’est pas sans rappeler celui des briques à emboîter d’un autre jeu à succès sur ordinateur, Tetris, est utilisé dans des dizaines d’autres jeux en ligne. Mais la version développée par l’éditeur de jeux en ligne britannique King Digital Entertainment a su séduire les masses et devenir le produit star de la société.
“Ca m’évite de passer 15 minutes dans le noir à regarder le mur”, explique à l’AFP cette jeune femme de 32 ans.
Contrairement aux jeux sur console classique qui peuvent accaparer des heures, Candy Crush peut se jouer pendant quelques minutes, entre deux rendez-vous ou dans une salle d’attente.
“Je ne suis pas passionnée par les ordinateurs et quand j’ai un peu de temps, j’ai tendance à lire un livre”, ajoute la jeune femme, assistante d’éducation à Spilsby, dans l’est de l’Angleterre.
C’est en fait sa mère de 52 ans qui l’a poussée à télécharger le jeu en la “rendant folle” avec ses invitations à répétition sur Facebook.
Désormais, Emma Martini joue tous les soirs tandis que son fils de quatre ans s’assoupit en expliquant simplement: “j’occupe un temps inutilisé”.
– “Tuer l’ennui” –
La flexibilité d’utilisation serait à la source de son succès: selon l’éditeur britannique du jeu en ligne, King Digital Entertainment, deux tiers des amateurs de Candy Crush seraient des femmes.
“Ce jeu a vraiment gagné en popularité auprès des femmes”, a confirmé Mark Griffiths, le directeur de l’unité internationale de recherche sur le jeu à l’université de Nottingham Trent.
“Il trouve sa place pendant la sieste du bébé ou le trajet travail-domicile, mais il n’empiète pas sur les moments importants de la vie”, explique-t-il.
L’activité cependant peut devenir addictive, conduisant des voyageurs à rater leur arrêt, des travailleurs à rallonger leur pause déjeuner ou encore des enfants à veiller tard pour tenter d’atteindre un niveau supérieur dans leur partie.
“C’est un jeu qui nécessite 100% de concentration, vous oubliez tout autour de vous”, ajoute Mark Griffiths qui s’y adonne surtout lors de longs trajets pour oublier ses douleurs provoquées par des problèmes à la colonne vertébrale.
Tout en disant qu’elle n’est guère joueuse, la Londonienne Sophie Clayton, 23 ans, s’adonne à Candy Crush pour “tuer l’ennui” essentiellement lors de ses trajets quotidiens.
“Le jeu est simple, à la différence de beaucoup d’autres. En même temps, ma soeur me prend pour une idiote parce que j’y joue, a fortiori quand je reste coincée à un niveau”, dit à l’AFP la jeune femme qui travaille pour un joaillier.
Si le jeu est gratuit au moment du téléchargement, chacun peut ensuite acheter des aides ou des chances supplémentaires, le plus souvent pour un dollar.
Si l’activité payante demeure minoritaire puisqu’elle ne concerne que 4% des joueurs, elle génère néanmoins un chiffre d’affaires substantiel: King affiche en effet 850.000 dollars (620.000 euros) de ventes quotidiennes, selon le cabinet de conseil IDATE.
Un succès financier qui a poussé le groupe à annoncer sa prochaine entrée à la Bourse de New York.
Pour Tom, un ingénieur de 22 ans, aller le plus loin possible dans le jeu sans débourser un centime est un défi supplémentaire.
Pour éviter d’avoir à payer ou à attendre 24 heures avant de rejouer, le jeune Londonien avance l’horloge de son téléphone d’une journée, pour berner le jeu.
“Je l’ai fait tellement de fois qu’un lundi matin, l’horloge de mon téléphone croyait que c’était samedi. Mon réveil n’a pas sonné et je suis arrivé en retard au travail”, reconnaît-il, vaguement honteux.