La guerre des prix des bananes fait rage au Royaume-Uni

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é londonien, le 23 février 2014 (Photo : Carl Court)

[11/03/2014 11:25:18] Londres (AFP) Alors que Chiquita et Fyffes ont annoncé lundi leur fusion pour donner naissance au numéro un mondial de la banane, la guerre des prix sur ce fruit fait rage au Royaume-Uni.

La Grande-Bretagne est l’un des seuls pays d’Europe où la banane est maintenant moins chère qu’il y a dix ans: si en 2002, une banane coûtait 18 pence, elle en vaut maintenant 11, presque la moitié du prix d’une pomme récoltée dans le pays (20 pence), selon les données du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

La banane est l’un des fruits les plus appréciés des Britanniques, qui en consomment environ 100 par an, dont la majorité en provenance d’Amérique latine. Elle est donc présente dans la plupart des caddies et son prix peut amener les consommateurs à changer de supermarché. Ce qui explique la guerre des prix menée par les groupes de distribution.

“C’est un produit d’appel sur lequel ils vendent à perte”, confirme à l’AFP Denis Loeillet, responsable de l’observatoire des marchés au Cirad.

L’organisation britannique Fairtrade, qui promeut le commerce équitable, a démarré fin février à Londres une campagne pour mettre fin à cette guerre des prix ravageuse pour les producteurs qui ne sont plus en mesure de couvrir leurs coûts de production.

“Les petits agriculteurs et les travailleurs des plantations sont des dommages collatéraux de la guerre des prix des supermarchés. Les gens les plus pauvres payent le prix de nos bananes bon marché”, s’est indigné récemment Michael Gidney, directeur exécutif de Fairtrade, lors d’une conférence de presse à Londres.

– Une guerre ravageuse pour les producteurs et les supermarchés –

Alfonso Cantillo, producteur de bananes colombiennes de la région de Magdalena qui vend au Royaume-Uni et qui a été invité à Londres par Fairtrade, reçoit par exemple 8,15 dollars pour un carton de 18,5 kilos qui lui coûte 9 dollars à produire.

“Nous ne voyons aucun bénéfice réel de ce que nous investissons, c’est très frustrant”, a-t-il dénoncé devant la presse. “Quand les prix des bananes baissent, nous souffrons, nos conditions de vie baissent. Nous avons besoin de stabilité des prix”.

Les supermarchés britanniques court-circuitent de plus en plus les intermédiaires, afin de vendre à bas prix. Ainsi, selon la coopérative anglaise Banana Link, plus de la moitié des bananes vendues dans les supermarchés britanniques sont directement achetées aux producteurs.

Pour Denis Loeillet, la fusion entre Chiquita et Fyffes peut également être vue comme “une réponse à la tendance à faire fi des intermédiaires”.

Mais, comme s’interroge Alex Chehade, analyste chez Tradenext, “cette fusion donnera-t-elle une meilleure position à la nouvelle entité pour négocier les prix dans la distribution ou cela créera-t-il plus de pression sur les producteurs?”

Même les supermarchés ne sortent pas gagnants de cette guerre des prix. Selon Fairtrade, les distributeurs y perdent des centaines de milliers de livres par semaine.

Pour l’organisation, il s’agit d’un problème structurel, dans lequel les lois de la concurrence, qui interdisent aux supermarchés de convenir d’un prix minimum, ou l’ouverture de l’Europe à de nouveaux producteurs, jouent également un rôle.

“Nous réclamons que le gouvernement enquête rapidement sur les prix au détail des bananes, évalue l’impact sur les intérêts à long-terme des producteurs de bananes et des consommateurs britanniques, et prenne des mesures en se basant sur les résultats”, a demandé Fairtrade dans une lettre adressée au ministre du Commerce, le libéral-démocrate Vince Cable.

De toutes les chaînes de supermarchés contactées par l’AFP, seul Sainsbury’s a répondu. “Tous les supermarchés ne sont pas les mêmes, ceux qui achètent une banane chez Sainsbury’s savent que le producteur reçoit un prix juste”, a affirmé Judith Batchelar, directrice de la marque du groupe.