Nouvelle charge du FMI contre les inégalités sociales

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éro 2 du FMI, David Lipton, à Tokyo le 31 mai 2013 (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[13/03/2014 20:53:47] Washington (AFP) A la recherche du temps perdu? Le FMI a de nouveau appelé jeudi à s’attaquer à la montée des inégalités sociales après avoir été longtemps accusé de négliger ces thématiques dans ses programmes d’aide aux pays.

Publié en pleine négociation sur un plan d’aide à l’Ukraine, le nouveau rapport du Fonds monétaire international sur “la politique budgétaire et les inégalités de revenus” a bénéficié d’un lancement en grandes pompes, tranchant avec le sort d’ordinaire réservé aux publications de l’institution.

Le numéro 2 du FMI, David Lipton, en a ainsi lui-même assuré le service après-vente dans un prestigieux centre de réflexion de Washington.

Il s’agit surtout du deuxième rapport consacré sur ce thème en moins de trois semaines, signe d’un changement de ton –mais encore pas de doctrine– au sein de l’institution gardienne de l’orthodoxie budgétaire.

Dans ce nouveau document, les économistes du Fonds pointent ainsi les méfaits de l’austérité –défendue pourtant parfois par le FMI lui-même– sur la montée des inégalités, sans toutefois se départir d’un certain jargon technocratique.

“La vaste consolidation budgétaire en cours dans plusieurs économies a fait naître des inquiétudes liées à son impact potentiel sur les inégalités”, admettent-ils.

Selon eux, les plans d’économies budgétaires conduisent “traditionnellement” à des pertes d’emplois qui ont “tendance à renforcer les inégalités” au détriment des moins favorisés, dont les revenus dépendent quasi-exclusivement de leurs salaires.

Sous le feu des critiques pour ses recommandations politiques en Grèce, le FMI a déjà fait son mea culpa sur l’austérité en admettant avoir parfois sous-estimé son impact sur la croissance mais c’est la première fois qu’il en dissèque les effets sur les inégalités sociales.

“C’est une thématique pertinente dans de nombreux pays, notamment l’Ukraine”, a glissé jeudi le porte-parole du FMI Gerry Rice, à l’heure où Kiev pourrait obtenir un prêt du Fonds en échange d’un programmes de réformes économiques drastiques.

– Changement à long terme? –

L’étude ne mentionne pas directement l’Ukraine mais se penche toutefois sur l’Europe où cinq pays plombés par leur dette publique, dont la Grèce et l’Irlande, ont dû se soumettre à des cures d’austérité sévères en échange de l’aide de Bruxelles et du FMI.

Selon ces experts, “les inégalités ont augmenté” dans environ la moitié des pays européens qui ont mené des “ajustements budgétaires” entre 2007 et 2012 même si des mesures ont permis d’en limiter les effets.

S’inquiétant de la montée des inégalités, les experts du Fonds préconisent des mesures qui sortent de la boîte à outils traditionnelle du Fonds, gardien de l’austérité budgétaire.

Ils suggèrent ainsi “d’augmenter les dépenses publiques à visées sociales” afin de s’assurer que les coupes budgétaires épargnent les aides aux plus pauvres et n’excluent pas une hausse de l’imposition pour les plus hauts revenus.

Le rapport, qui ne représente pas la position officielle de l’institution, appelle également à relever les taxes foncières, qui plus souvent frappent d’abord les ménages les plus aisés.

Quel est l’avenir de ce nouveau rapport? Changera-t-il le message du FMI à l’heure où le thème des inégalités s’est même frayé un chemin dans le très huppé forum de Davos?

C’est en tout cas le souhait de l’organisation de lutte contre la pauvreté Oxfam. Saluant un rapport qui prouve “une bonne fois pour toute” que l’inégalité est mauvaise pour la croissance, son directeur à Washington, Nicolas Mombrial, a formé l’espoir qu’il signale “un changement à long terme” des conseils du FMI à ses pays-membres.

Un aggiornamento de l’institution, qui célèbre ses 70 ans d’existence cette année, semble toutefois peu probable.

Dans une étude publiée début mars, le centre de réflexion du Cigi (Centre for International Governance Innovation) notait que la notion de “croissance partagée” était certes apparue depuis 2011 dans ses conseils économiques adressés au Maroc, Tunisie et Egypte, au coeur du printemps arabe.

Toutefois, selon cette étude, le Fonds restait encore réticent à recommander explicitement des politiques publiques à dimension sociale. “Il y a encore une marge d’amélioration”, notait l’étude.