Austérité : Chypre bonne élève mais la pilule est amère

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ésident de Chypre, Nicos Anastasiades, lors de la nomination de trois nouveaux ministres au palais présidentiel à Nicosie le 14 mars 2014 (Photo : Stavros Ioannides)

[14/03/2014 20:57:09] Nicosie (AFP) Un an après le séisme financier qui a frappé Chypre, l’île se montre plutôt bonne élève dans la mise en oeuvre de son plan d’austérité mais après des années d’économie florissante, la pilule est amère sur le plan de l’emploi.

“Je cherche un travail depuis le premier jour où j’ai quitté” la banque mais “le marché (de l’emploi) est plus ou moins mort”, explique Akis Kourouzides, 45 ans, ancien cadre bancaire au chômage depuis des mois.

Au bord de la faillite en raison de la forte exposition de ses banques à la dette grecque, Chypre avait obtenu le 16 mars 2013 un prêt de 10 milliards d’euros dans le cadre d’un plan de sauvetage européen. Elle a déjà reçu près de la moitié de cette manne.

Mais en contrepartie, l’île méditerranéenne a dû s’engager à des coupes budgétaires drastiques et à des privatisations, et surtout liquider l’une de ses principales banques -Laïki- et restructurer la première -Bank of Cyprus-, faisant perdre aux déposants entre 47,5 et 100% de leurs avoirs au-delà de 100.000 euros.

Début mars, la Troïka des bailleurs de fonds (Union européenne, Fond monétaire international et Banque centrale européenne), a délivré un satisfecit à l’île estimant qu’elle était sur la bonne voie, avec une récession de 6% en 2013, inférieure de deux points aux prévisions, permettant le versement d’une nouvelle tranche d’aide de 236 millions d’euros.

Mais dans une économie en panne, le chômage ne cesse de grimper, passant de 11,8% en 2012 à 16,2% au troisième trimestre 2013 (dont 38,5% de moins de 25 ans), avec des prévisions de 19% pour 2014.

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êtements en vente dans la vieille ville de Nicosie le 14 mars 2014 (Photo : Patrick Baz)

Des chiffres encore loin des plus de 27% de sa voisine grecque mais difficiles à accepter dans une société où jusqu’en 2008, le chômage était une notion plutôt abstraite, avec des taux autour de 4% et un PIB en progression quasi-constante depuis 40 ans.

“Jamais nous n’avons eu une telle situation”, explique Andreas Christou, responsable des services de l’emploi au ministère du Travail, qui ne voit pas d’amélioration possible à court terme.

En terme de tranche d’âge, les jeunes diplômés “sont actuellement notre plus gros problème”, ajoute-t-il.

Les secteurs les plus touchés sont ceux des banques -qui ont perdu 2.000 emplois, selon leur syndicat Etyk, sur un effectif total de 11.500-, et du commerce, comme en témoignent les dizaines de magasins vides qui s’alignent désormais sur l’avenue Makarios, il y a peu encore l’artère commerçante la plus active de Nicosie.

– Fuite des cerveaux –

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Devanture de magasin dans la vieille ville de Nicosie le 14 mars 2014 (Photo : Patrick Baz)

Aujourd’hui “la société chypriote est encore sous le choc. On a cru à un modèle économique et démocratique qui se développe dans une logique linéaire vers le haut. Jamais on aurait pensé qu’il y aurait un retournement total de la situation”, souligne Kalliope Agapiou-Josephides, professeur de sciences politiques et sociales à l’Université de Nicosie.

Et c’est la jeune génération, la “mieux éduquée et qui a bénéficié d’une économie florissante qui va payer le prix le plus fort”, ajoute-t-elle.

Selon M. Christou, beaucoup de jeunes choisissent désormais l’étranger à l’issue de leurs études, retardant au maximum leur retour sur l’île par des stages ou un cursus plus long que prévu.

D’autres optent pour l’émigration, une fuite des cerveaux dont la portée n’a pas encore officiellement été évaluée mais qui pourrait se révéler “importante”, selon M. Christou.

En attendant, le gouvernement a mis en place un plan d’insertion destiné à permettre à 2.500 jeunes diplômés d’acquérir une expérience en entreprise pendant six mois avec une indemnisation de 500 euros. Un deuxième plan de 2.500 places devrait être lancé prochainement.

En outre, des formations liées aux métiers de l’industrie gazière ont été créées dans l’espoir de voir les importantes réserves de gaz découvertes au large de l’île se transformer bientôt en jackpot.

Mais la solidarité familiale traditionnellement très forte permet aussi d’amortir le choc. Les enfants aident leurs parents dont les retraites ont été amputées et les “yayas” (grand-mère) font plus que jamais office de garde d’enfants et de cantine familiale.

“Un des atouts de Chypre, c’est son filet de sécurité. Ce filet familial qui ne laisse tomber personne”, note Mme Agapiou-Josephides.