Fin des quotas laitiers : les éleveurs craignent d’être à la merci des crises

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Des vaches dans une ferme du centre de la France (Photo : Philippe Merle)

[19/03/2014 13:02:19] Paris (AFP) La fin des quotas laitiers en 2015 approche et l’Europe ne sera bientôt plus à l’abri d’une surproduction qui ferait plonger les prix. Face à ce risque, les éleveurs français demandent à Bruxelles un mécanisme de gestion des crises.

“Si l’Union européenne décidait d’un embargo total sur l’Ukraine et la Russie, ça reviendrait assez rapidement en boomerang sur les éleveurs”, s’inquiète Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Et une alerte sanitaire sur du lait européen, comme en a connu le néo-zélandais Fonterra l’été dernier, est toujours possible. Sans compter les événements climatiques, qui ont une forte incidence sur les cours mondiaux du lait.

En ce moment, le marché est plutôt porteur, avec des prix en hausse de près de 10% en 2013, face à la demande croissante des pays émergents en produits laitiers. Et la collecte de lait est en hausse en France depuis l’été dernier, surtout dans les grosses régions productrices. En décembre, elle avait progressé de 2% sur un an et de 9,3% rien qu’en Bretagne ou de 7,4% en Basse-Normandie, selon les derniers chiffres disponibles du ministère de l’Agriculture.

Mais la crise du lait en 2009, ou la flambée des cours des céréales ensuite qui a alourdi considérablement le budget alimentation animale des exploitations, ont bien montré que la vie d’éleveur n’est pas un long fleuve tranquille.

Les éleveurs de la FNPL, réunis en Assemblée générale mercredi et jeudi à Pontarlier (Doubs), ne sont plus farouchement opposés à la fin des quotas face à la demande mondiale, mais ils plaident pour le maintien “d’une politique laitière avec un minimum de règles communes”.

– 40% de fermes en moins en 10 ans –

D’abord, selon Thierry Roquefeuil, il faut un observatoire permettant de suivre les volumes produits dans chacun des 28 pays de l’UE. Ce qui signifie que chaque État doit être capable de savoir combien il produit, pour “qu’en cas de crise, l’interprofession soit capable de prendre des décisions sur les volumes”.

Ensuite, il faut “définir ce qu’est la crise”. Pour 2014, année plutôt favorable, le prix d’achat aux éleveurs s’annonce autour de 380 euros les 1.000 litres. Mais en 2009, il était tombé à 220 euros ! “Alors où se place le curseur ?” et quand faut-il intervenir ?, se demandent les éleveurs.

Même son de cloche à la Confédération paysanne, syndicat minoritaire, qui réclame “des outils de gestion efficaces afin de prévenir les crises” car il en va, selon elle, du maintien de producteurs nombreux sur l’ensemble du territoire”. Sachant qu’en 10 ans 40% des exploitations laitières ont disparu, et que la fin des quotas pourrait fragiliser un peu plus les fermes laitières dans des régions non spécialisées en lait comme le Sud-Ouest.

A Bruxelles, la Commission planche sur l’idée d’un observatoire du marché du lait. Et lors de son passage au salon de l’agriculture fin février, Dacian Ciolos, le commissaire européen à l’Agriculture a estimé qu?il fallait réfléchir “à des mécanismes de prévention des crises”.

La Commission pourrait en dire plus lors de la présentation, d’ici le 30 juin, d’un rapport recensant d’éventuelles nouvelles mesures, en plus de celles déjà prévues par le “Paquet lait”, mis en place en 2012, afin d’aider le secteur à passer le cap de cette fin des quotas.

Le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, entend bien lui aussi pousser ce sujet à Bruxelles. Pour lui, l’Union européenne doit se doter “d’un filet de sécurité” de soutien aux cours avec la possibilité de geler la production si une crise s’annonce. “N’attendons pas d’agir dans la panique”, a-t-il lancé récemment, rappelant que l’UE avait dû débloquer “1 milliard d’euros en catastrophe” pour soutenir le secteur en 2009.

Les quotas laitiers européens avaient été mis en place en 1984 pour maitriser les excédents de lait et beurre. Depuis 2008, il ont été augmentés de 1% tous les ans pour préparer le secteur à l’après-2014. L’an dernier, la France n’a pas dépassé les quotas fixés, contrairement à d’autres pays comme la Pologne, l’Autriche ou l’Italie.