Le logo de Bouygues Telecom (Photo : Philippe Huguen) |
[22/03/2014 10:32:18] Paris (AFP) Le suspense sur le rachat de SFR est relancé, après la surenchère lancée par Bouygues avec l’appui de la CDC, bras financier de l’Etat, pour revenir dans l’arène et tenter de souffler la filiale télécoms de Vivendi au nez et à la barbe de Numericable.
Bouygues est venu jouer les trouble-fête jeudi soir avec une nouvelle offre de rachat sur SFR, en augmentant de 1,85 milliard d’euros la part en numéraire, alors que Numericable et sa maison mère Altice sont depuis le 14 mars en négociations exclusives avec Vivendi, pour une durée de trois semaines.
Le groupe de Martin Bouygues propose désormais 13,15 milliards d’euros en cash – contre 11,75 milliards d’euros du côté d’Altice – et estime ainsi “apporter une réponse” aux attentes du conseil de surveillance de Vivendi qui avait retoqué son offre initiale.
Mais surtout, il revient avec un nouvel allié financier et politique de poids, la Caisse des dépôts (CDC), déjà actionnaire à 3% de Bouygues, prête à apporter 300 millions d’euros. Ont également accepté de participer à cette nouvelle offre la famille Pinault et JCDecaux Holding.
L’entrée de ces nouveaux actionnaires au tour de table du nouvel ensemble Bouygues Telecom/SFR permet à Bouygues de proposer désormais à Vivendi une part de 21,5% dans le capital du nouvel ensemble, contre 46% précédemment. Altice, lui, a mis le curseur à 32%.
Tous les regards sont désormais tournés vers Vivendi.
“Juridiquement parlant, Vivendi n’a pas le droit de discuter avec d’autres parties pendant la période de négociations exclusives avec Altice-Numericable, il risquerait un recours en illégalité s’il le fait, avec de lourdes pénalités à la clé”, affirme un spécialiste du secteur.
Jeudi soir, Vivendi a confirmé avoir bien reçu “une nouvelle offre de Bouygues”, et simplement “rappelé” que son conseil de surveillance avait décidé d’entrer en négociations exclusives avec Altice jusqu’à la date du 4 avril. L’offre de Bouygues court jusqu’au 8 du même mois.
Ce week-end, Vincent Bolloré, premier actionnaire de Vivendi et vice-président du conseil de surveillance, avait justifié le choix d’Altice: “Les deux propositions avaient été retenues et étaient intéressantes. Numericable a apporté 450 millions d’euros supplémentaires de cash, 5.000 destructions d’emplois en moins, une plus grande facilité dans un rapprochement fibre-mobile”, avait-il déclaré au Télégramme.
Reste donc à savoir si les membres du conseil de surveillance de Vivendi seront sensibles à l’argument d’un apport plus important en cash.
– Volonté politique –
Jeudi soir, Vincent Bolloré s’est refusé à tout commentaire sur le dossier SFR lors de la présentation des résultats annuels de son groupe, qui n’était pas ouverte aux journalistes. “Seules les belles filles sont invitées à danser”, a-t-il cependant déclaré, selon un analyste présent.
Pour le courtier Aurel BGC, la nouvelle offre de Bouygues “paraît assez irrésistible. Vivendi, qui privilégiait l?absence de doublons et la facilité de la mise en oeuvre du rapprochement avec Numericable, pourrait se laisser tenter”.
Un autre analyste d’un courtier parisien insiste également sur la dimension politique de la nouvelle offre: “Le gouvernement mobilise la CDC et exerce une énorme pression sur les décideurs pour soutenir le projet de Bouygues car il veut éviter un sinistre chez Bouygues Telecom dont l?avenir semble compromis”.
Il évoque ainsi “l’expression très forte de la volonté politique sur le sujet”.
Outre le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg qui a affiché haut et fort sa préférence pour la candidature de Bouygues, la porte-parole du gouvernement Najat-Vallaud-Belkacem avait également jugé mercredi qu’il n’était “pas neutre” qu’une entreprise comme SFR “soit susceptible de devenir suisse”.
Référence à la résidence fiscale suisse de Patrick Drahi, patron d’Altice, la maison mère de Numericable, soulignée à maintes reprises par ses détracteurs.
La Bourse semblait hésiter sur l’issue du dossier. Vendredi à 15H25 à la Bourse de Paris, Bouygues perdait 0,88% à 30,39 euros, et Numericable gagnait 1,32% à 28,47 euros, alors que les deux titres avaient évolué dans le sens inverse toute la matinée.
L’opération de rachat de SFR “doit être une réussite industrielle et une réussite en terme d’emploi. Dans ce monde-là, la messe n’est dite que le jour où +ite missa est+ est prononcé”, a résumé vendredi matin le ministre du Travail Michel Sapin sur i-Télé.