De là où je vous écris, je crois être dans une des régions les plus démunies de la planète; les gens qui y habitent, si j’ose dire, le font dans des sortes de constructions en argile qui fondent à chaque saison des pluies et que les pénélopes locales reconstruisent pour protéger leur nombreuse progéniture.
Evidement il n’y a pas d’électricité et la corvée d’eau demande de deux à six heures par jour à des femmes exténuées et avachies qui, à 25 ou 30 ans, ont déjà atteint ou presque leur espérance de vie, et ce malgré le bébé qui est dans leur ventre, celui qu’elles portent sur le dos et celui qui rampe à leurs pieds qui les tètent de longues années.
Les hommes, eux, sont légèrement mieux desservis, et quand ils peuvent faire quelque chose, c’est du commerce, et le reste du temps entre deux siestes, ils font la sieste et trouvent dans l’islam un réconfort, car avec la polygamie, ils ont de deux à quatre “employées“ qui sont à disposition à titre bénévole 24h sur 24, et évidement ils bénissent le seigneur.
Les villages où ils se regroupent, généralement par ethnie, sont loin du monde des routes et le seul luxe qui est apparu ces temps-ci c’est le téléphone portable… Et dans ces villages, le rite est immuable: on se lève et on se couche avec le soleil, les femmes font à manger sur les bois qu’elles ont ramassés, et le soir les hommes se réunissent autour d’une bougie ou d’une source d’éclairage sous ce qui est communément appelé l’arbre à palabres. Il semble que sous cet arbre, les décisions de gestion de ces villages maudits par la nature sont prises d’une manière on ne peut plus démocratique.
Dans ces villages, une infinité d’experts, d’ONG, de projets, de financements et d’investissements ont été identifiés voire programmés et même souvent réalisés; et ces projets sont condamnés à leur naissance pour une raison bien simple: leur coût est exorbitant et les usagers ne peuvent payer les frais de gestion correspondants. Ainsi par exemple, si dans un pays développé la facture de l’eau représente quelques millièmes du revenu de la famille, dans ces villages elle peut atteindre 10% du maigre revenu familial, et comme on ne trouve rien, le carburant est plus cher et surtout ne tombez pas malade, Europe assistance ne peut rien pour vous.
Des tonnes de rapports ont été rédigés en vain et ces gens-là sont condamnés soit à disparaître, soit à aller grossir les bidons-villes de ces villes africaines mal construites, mal desservies, peu sûres, et où il fait mal vivre. D’ailleurs, peut-on parler de vivre?