été du Chinois Dongfeng et du Français PSA à Wuhan, dans la province centrale chinoise du Hubei (Photo : Goh Chai Hin) |
[24/03/2014 07:58:37] Paris (AFP) A l’occasion de la visite d’État du président chinois Xi Jinping à Paris cette semaine, le gouvernement français déroule le tapis rouge aux entreprises et aux investisseurs chinois, dans l’espoir d’enrichir une relation économique parfois poussive.
Au lendemain du temps fort économique de la visite, la signature à l’Élysée du partenariat stratégique validant l’entrée de Dongfeng et de l’État au capital du constructeur automobile PSA, le ministère de l?Économie organise jeudi avec le Medef un “Forum économique franco-chinois” réunissant 400 entreprises.
L’ambition est de ranimer les échanges entre la France et la Chine, qui ont baissé l’an dernier de 2% en valeur, pour la première fois depuis 2009.
Claude Meyer, professeur d’économies à Sciences Po, y voit toutefois un coup de mou “passager”, s’expliquant en partie par le ralentissement de la croissance chinoise.
Le ministère de l’Économie français veut aussi “rééquilibrer par le haut”, sans recourir au protectionnisme, une relation commerciale lourdement déficitaire, d’environ 26 milliards d’euros l’an dernier.
La Chine est le deuxième fournisseur de la France mais la France n’arrive qu’en 19e position des fournisseurs de la Chine. Elle y a une part de marché de 1,2%, quatre fois inférieure à celle de l’Allemagne.
“Les exportateurs allemands ont en Chine des positions exceptionnellement fortes”, mais “comparées à l’ensemble de l’Europe, les performances françaises n?ont rien de particulièrement remarquables, ni en bien ni en mal”, souligne Françoise Lemoine, économiste du centre de recherches CEPII.
– Des investissements chinois insuffisants –
Par ailleurs, relève-t-elle, “en matière de flux d’investissement vers et en provenance de Chine, l’écart entre la France et l’Allemagne est beaucoup moins grand que dans le commerce”.
Fin 2012 le total des investissements français en Chine atteignait 16,7 milliards d’euros, soit quatre fois le montant des investissements chinois en France.
Mme Lemoine fait valoir que “les entreprises allemandes investissent majoritairement dans l’industrie alors que les investissements français sont plus diversifiés vers les services financiers, urbains”, ce qui laisse la France “relativement bien positionnée” pour profiter de l’urbanisation et de l’appétit à consommer des Chinois.
Un dernier aspect qui intéresse particulièrement la filière agroalimentaire française. Juste avant la venue de Xi Jinping à Paris, dans le cadre d’une tournée européenne, la Chine a annoncé la clôture d’une enquête anti-dumping contre les exportateurs européens de vin.
La charcuterie française est elle en passe d’obtenir le précieux agrément sanitaire lui donnant accès au marché chinois.
Dans un autre secteur, Paris a “de bonnes chances” d’en profiter en tant que place financière, à l’heure où Pékin internationalise prudemment sa devise, souligne M. Meyer, auteur de “La Chine, banquier du monde”.
“Les Français ont longtemps été très agressifs envers les Chinois, qui n’en avaient cure, comme ils ont pu l’être vis-à-vis des Japonais. Il y a d’abord eu les arguments sur le fait que la Chine ne produisait que du bas de gamme puis les discours sur la concurrence déloyale. Mais le ton a changé car la Chine a atteint un autre stade de développement”, estime Deniz Ünal, également économiste au CEPII.
Reste à la France à diversifier la structure de ses exportations, dominées par quelques secteurs (l’aéronautique qui en pèse près d’un tiers, l’énergie, le luxe et l’agroalimentaire), et quelques multinationales, les PME restant marginales.
– Difficile accès aux marchés publics chinois –
Cette situation sera illustrée par le rituel de signature de grands contrats à l’Élysée. Outre le partenariat autour de PSA, sont attendus des accords pour la fabrication en commun d’hélicoptères civils et des avancées en matière de nucléaire civil.
Au-delà de la structure des exportations françaises, “l’accès aux marchés publics en Chine est très difficile voire impossible et pour la France qui a des champions dans ce domaine, comme (le géant français de l’eau et des déchets) Veolia Environnement par exemple, c’est d’autant plus regrettable”, rappelle M. Meyer.
L’économiste appelle aussi à être “très attentif en matière de transferts de technologie”, lui qui juge que l’entrée de Dongfeng au capital de PSA n’est “pas cher payer” pour accéder aux brevets du constructeur français.
Un autre élément important pour le déséquilibre commercial entre la France et la Chine est le niveau de la devise chinoise, qui s’est brutalement dépréciée récemment, avec la bénédiction de Pékin. Un “signal pas extrêmement satisfaisant”, souligne-t-on pudiquement à Bercy.