Représentants de la société civile, politiques, policiers syndicats et experts militaires à la retraite sont de plus en plus nombreux à avancer que la lutte avec efficience contre le terrorisme et ses dérivés -contrebande, crime organisé et milices- ne peut être menée avec l’efficience souhaitée qu’à deux seules conditions: la disponibilité d’un réseau de renseignement centralisé et l’association des partis politiques et représentants des partis et de la société civile au Conseil supérieur de la sécurité.
Pour mémoire, durant les années 90, le gouvernement algérien n’avait pu reprendre l’initiative et prendre le dessus sur les terroristes qu’après avoir restructuré son réseau de renseignement, ce qui lui avait permis de porter de douloureux coups aux essaims des terroristes et de stabiliser le pays.
En Tunisie, la situation sécuritaire, en dépit des quelques succès hyper médiatisés, demeure délétère. Est-ce nécessaire de rappeler qu’une année et demie après l’apparition, sur les hauteurs du nord-ouest et centre-ouest, des premiers terroristes (une cinquantaine selon la version officielle, des centaines selon des sources médiatiques), l’armée n’est pas parvenue, jusque-là, à les éradiquer?
Le moment est venu, d’ailleurs, pour s’interroger légitimement sur le rendement de la Grande muette et de demander à ses responsables, particulièrement au chef suprême des armées, le président provisoire, Moncef Marzouki, de rendre compte, à ce sujet, d’autant plus que l’heure n’est plus désormais à la prévention moins onéreuse du terrorisme mais au traitement curatif et onéreux de ce fléau.
Mahmoud Mzoughi, colonel major à la retraite et président de l’Association des anciens officiers de l’armée et ancien chef de la 2ème brigade mécanisée, chargée durant les années 90 de la surveillance de la partie nord de la frontière tuniso-algérienne (de Tabarka jusqu’à Thala), lui fait assumer, indirectement, dans une déclaration faite à une radio locale, l’entière responsabilité d’avoir affaibli l’armée en l’affectant, durant son mandat, à d’autres tâches autres que la surveillance des frontières.
Cet expert militaire à la retraite estime que «ce qui manque actuellement aux forces de sécurité, c’est un système de renseignement centralisé à même de fournir à l’armée, en temps réel et au moment opportun, la bonne information».
Dans cette perspective, les syndicats de police ne cessent de revendiquer l’accélération de la mise en place d’une agence de renseignements, voire d’une sorte de FBI tunisienne. Cette agence, dont le projet est concocté actuellement par le département de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, sera républicaine, indépendante politiquement (absence d’instructions extérieures), neutre et moderne en phase avec les exigences d’un Etat de droit et du strict respect de la loi, et à même d’anticiper les actes terroristes déstabilisateurs pouvant porter préjudicie aux intérêts supérieurs du pays.
Le moment est venu également pour le nouveau gouvernement et de dépoussiérer le dossier et d’en hâter la mise en œuvre, et ce à un moment où les cellules dormantes du terrorisme commencent à se faire entendre par des actions plus téméraires et plus sanguinaires: cas de la tuerie à la cité Ouled Mannai, à Jendouba, résurgence des actes terroristes à Sidi Ali Ben Aoun, découverte d’un camp d’entraînement de djihadistes islamistes à Menzel Nour (gouvernorat de Monastir). El la liste est loin d’être finie…
Les politiques sont également de la partie. Ils pensent que le Conseil de sécurité ne leur dit pas tout. Le président de la Haute instance politique du parti politique Al Joumhouri, Ahmed Néjib Chebbi, relève que «rien de crédible n’a filtré, jusque-là, sur les circonstances de l’assassinat des leaders politiques, ni sur les groupes retranchés sur les hauteurs du centre-ouest et nord-ouest, ni sur le poids réel des salafistes djihadistes, ni sur l’effectif des contrebandiers dans le pays.
Pour y remédier, il propose la création d’un Conseil supérieur de transition de la sécurité nationale qui grouperait l’armée, la police, la garde nationale, les partis et les représentants de la société civile (UGTT, UTICA, UTAP…).
Il a justifié sa proposition par le besoin d’informer le peuple tunisien de ce qui se passe dans le domaine sécuritaire, qui ne doit pas être l’apanage des forces de la sûreté nationale.
Au final, toutes les composantes du pays veulent la bonne information, celle-là même qui peut les aider à comprendre et à prendre la bonne décision. Et c’est plus que légitime.