Alerte au consensus. Il ne faut pas miner l’entente nationale, si chèrement obtenue, en insérant l’article “15“ à la nouvelle loi électorale. Revenir à l’exclusion électorale nous mènerait vers une fracture nationale. Qui se propose de diviser se prépare donc à régner?
A l’heure actuelle se joue sous la coupole de l’ANC, ni plus ni moins, que la validation de tout le processus de transition vers la démocratie. Que l’on vote une loi électorale qui exclut les ex-RCD de la compétition électorale et tout le processus pourrait dérailler. C’est le message de BCE sur la chaîne Nessma durant une interview menée avec professionnalisme et self control par notre confrère Hichem Bouaziz.
Maudit “article 15“
Cela ne fait pas de doute, BCE a toujours prouvé qu’il a le sens de l’instant. C’est, à n’en pas douter, un signe distinctif des grands chefs politiques. Et il ne déroge pas à la règle. Sa sortie sur le plateau de Nessma TV, lundi 24 mars, a sonné comme un électrochoc dans l’opinion. Il y a péril de manipulation de la loi électorale, alerte-t-il en substance. C’est ce qui explique qu’il revienne à la charge. En déterrant l’article 15, certains courants politiques déterrent la hache de guerre. Instillé dans le projet de loi électorale qui sera examiné aujourd’hui par la plénière à l’ANC, l’article “maudit“ remet sur le tapis l’exclusion des ex-RCD. Cet article 15 a figuré dans l’arrêté électoral daté du 3 août 2011. Mais à titre exclusif et c’était bien spécifié. Pourquoi ce retour à la case départ?
Le gouvernement Mehdi Jomaa, un paravent pour endormir l’opinion?
BCE est longuement revenu sur “l’effet Mehdi Jomaa“. Sans l’avoir adoubé, il a convaincu son parti Nidaa Tounes de le soutenir. Cela fait sens, laisse-t-il entendre, avec son engagement à faire aboutir le processus consensuel et à desserrer la crise politique qui a paralysé le pays. Mais rappelle-t-il, il ne faut pas que cette parenthèse serve à engourdir l’opinion publique pour faire passer, en catimini, le projet d’exclusion des ex-RCD. Le pays court le risque de fragmentation de l’unité nationale qui sera fatal au processus de transition dans son ensemble. Il y aura naufrage national. Le pays sera, cette fois, définitivement coupé en deux.
Via le consensus, on a pu sauver, in extremis, la Constitution. Il ne faudrait pas que la loi électorale vienne casser cette dynamique. Toute manœuvre de sécession est ruineuse, politiquement, car elle pourra miner l’avenir et on peut dire adieu à la stabilité politique, malgré l’édifice institutionnel démocratique, qui pourrait être mis en place.
Et c’était l’occasion pour BCE de rappeler que le but de la feuille de route était bien de calmer le jeu constitutionnel et les esprits ainsi que la rue pour garantir des élections libres et sans l’ombre de la moindre manipulation.
D’ailleurs, fin politique, il en a profité pour adresser une mise en garde au gouvernement Jomaa rappelant que tout écart par rapport à le feuille de route présagerait de péril pour le pays.
La bataille pour la récupération de l’électorat RCD
On a vu un BCE impérial, sûr de lui et surtout loyal. Implicitement, il laissait comprendre que le gisement des électeurs RCD fera la différence lors du prochain scrutin. Cependant, il veut que cette chasse aux votants se fasse au grand jour. Il considère que la ligne politique de Nidaa Tounes l’habilité à un drainage majoritaire des ex-RCD.
La “manipulation“ de la loi électorale pourrait biaiser le jeu. A cette condition, on peut penser que les voix RCD seraient monnayables. Dans cette perspective, BCE semble craindre que d’autres partis que le sien seraient en meilleure posture pour dealer avec les ex-RCD, proposant, par exemple, de les “blanchir“ en échange de leurs voix. C’est une hypothèse plausible.
Pour ceux qui croient que Démocratie signifie transparence, il ne leur reste qu’à se mobiliser pour fossoyer définitivement l’article 15.