Les agriculteurs s’écharpent sur la définition de leur métier

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à Biarritz, dans le sud-ouest de la France (Photo : Gaizka Iroz)

[26/03/2014 16:42:47] Biarritz (France) (AFP) Qui est agriculteur? Les syndicats agricoles s’écharpent sur la question avec d’un côté une vision très professionnelle du métier et de l’autre, la défense du maintien des petites fermes et le dynamisme des zones rurales.

La FNSEA, principal syndicat agricole du pays, a fait de cette question un des grands sujets de son rapport d’orientation 2014, lors de son congrès annuel, qui se tient jusqu’à jeudi à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).

L’idée: réserver le statut d’agriculteur à de “véritables professionnels”. Ceci afin que les faux agriculteurs, les notables locaux, propriétaires de terres agricoles qu’ils exploitent sans jamais toucher un tracteur, ne soient plus bénéficiaires des aides européennes de la Politique agricole commune (PAC), dans un contexte de diminution de l’enveloppe.

Sur ce point-là, presque tout le monde est d’accord.

Mais les enjeux ne semblent pas se limiter à cela et derrière la notion très technique de définition de l'”actif agricole”, ce sont à nouveau deux visions de l’agriculture qui s’opposent.

La FNSEA veut “professionnaliser” le secteur, et défend une agriculture qui entreprend, productiviste et compétitive. Elle souhaite notamment fixer “un volume d’activité minimum” pour pouvoir bénéficier du statut et créer un registre professionnel, sur le modèle de celui des artisans, tenu par les Chambres d’agriculture.

Mais sur quels critères fixer une activité minimale? La Coordination rurale s’inquiète.

“Avec ce statut, ils veulent éliminer des agriculteurs, ceux qui ne vivent pas que de cela. Beulin (président de la FNSEA, ndlr) veut une agriculture agro-industrielle” et défend un courant de pensée qui consiste à dire “si on enlève les petits, on peut récupérer les terres ensuite”, explique à l’AFP Bernard Lannes, président du syndicat minoritaire.

– Au menu du Sénat en avril –

La Confédération paysanne, l’autre syndicat minoritaire qui compte, ne dit pas autre chose: “la FNSEA veut en faire un outil de professionnalisation pour pouvoir réserver les aides et l’accès aux métiers à certains”, commente auprès de l’AFP Mikel Hiribarren, secrétaire national.

Il craint surtout que ce statut n’exclue les jeunes, qui “s’engagent dans le métier de façon progressive” ou les pluri-actifs en zone de montagne notamment, où beaucoup d’agriculteurs vivent de plusieurs activités, par exemple pisteur l’hiver et éleveur l’été.

Pour la Confédération paysanne, il en va du maintien des agriculteurs sur le territoire, de l’entretien des paysages et du tissu rural.

En 25 ans, la France a déjà perdu plus de la moitié de ses exploitations. Selon le dernier recensement en date de 2010, il n’y a plus que 490.000 exploitations dans l’Hexagone alors qu’il y en avait encore plus d’un million à la fin des années 80.

La Confédération paysanne milite aussi pour un registre professionnel qui soit un outil de transparence permettant de savoir qui touche les aides et de connaître les montages entre sociétés, les mouvements d’actions et non pour exclure certains.

Des craintes rejetées en bloc par la FNSEA. “On est plutôt dans l’idée d’ouvrir le statut avec plus de souplesse”, rétorque Jean-Bernard Bayard, président de la commission sociale de la puissante fédération.

Pour le syndicat, l’enjeu est surtout de pouvoir inclure dans ce statut tous les agriculteurs malgré les différentes formes d’entreprises qu’ils choisissent (EARL, Gaec, SARL, exploitants individuels, etc.).

Reste maintenant aux pouvoirs publics la lourde tâche de trancher. La loi d’avenir de l’agriculture pourrait déjà apporter quelques réponses. Lors de son passage à l’Assemblée en début d’année, un amendement avait proposé la création d’un registre tenu par la Mutualité sociale agricole (MSA).

Mais les tractations iront bon train lors de l’examen de la loi au Sénat en avril, où chacun tentera de convaincre les sénateurs de son point de vue, avant le vote définitif du texte.