Grèce : des milliards d’aides suspendus à un problème de lait

1f5bf60e882c4b46a96d2ac546e9044398966381.jpg
à Athènes le 31 mars 2009 (Photo : Aris Messinis)

[28/03/2014 14:16:44] Athènes (AFP) Un problème de date de péremption du lait frais menace de faire dérailler un nouveau train d’aide à une Grèce encore souffrante mais soucieuse, alors qu’elle préside l’UE, de faire bonne figure à l’Eurogroupe de la semaine prochaine à Athènes.

Les discussions avaient duré sept mois avant que la troïka des créanciers du pays (FMI, UE, BCE) annonce le 19 mars son accord au déblocage de plus de 8,5 milliards d’euros d’aide à un pays littéralement purgé, mais en voie de retrouver un peu de croissance cette année après six ans de récession.

Encore faut-il que le Parlement adopte ce week-end, en urgence, une loi de près de 200 pages, évoquant la fiscalité, la recapitalisation des banques, ou la distribution aux Grecs les plus pauvres de 500 millions d’euros de l’inattendu excédent budgétaire réalisé en 2013, une première en dix ans.

Sous la pression des créanciers, ce projet de loi reprend aussi une grande partie des 329 recommandations de l’OCDE (Organisation de Coopération et Développement économique) visant à la dérégulation des marchés, surtout du lait, des médicaments ou des livres, pour améliorer la concurrence, des mesures susceptibles de relever de 2,5% le PIB grec.

Plusieurs articles du texte provoquent de vives réactions au sein des professions concernées, comme les pharmaciens en grève depuis plusieurs jours. Mais le point le plus délicat concerne le lait.

Spécificité grecque, le lait dit “frais” — qui cohabite avec un lait “hautement pasteurisé” ne devant pas être confondu avec le lait UHT — doit être retiré des rayons après cinq jours. Une obligation qui entraîne des coûts importants d’invendus, et empêche, pour des questions de délais d’acheminement, la concurrence d’autres pays : en 2012, le lait était un tiers plus cher en Grèce que la moyenne de l’UE.

– “Sortie de l’euro” –

Panagiotis Peveretos, de l’association des éleveurs grecs, participait vendredi à une conférence de presse avec d’autres secteurs visés par la loi, “unissant nos forces contre des politiques qui nous détruisent”.

Pour lui, “la loi va ouvrir le marché à un lait de qualité discutable”. Il a soulevé la crainte d’un scandale comme celui du lait frelaté qui avait fait de nombreuses victimes en Chine en 2008.

Pour le principal parti d’opposition, la gauche radicale Syriza, “l’extension de la durée de vie du lait aurait un impact très négatif sur la santé des consommateurs et sur la production”.

Syriza va jusqu’à qualifier la loi sur la sellette de véritable “Dachau” pour les travailleurs, les retraités, les petites entreprises et les agriculteurs grecs.

Mais le pire danger pour le gouvernement de coalition droite-socialiste est venu de huit députés de sa majorité qui avaient annoncé qu’ils ne voteraient pas le texte, en raison du lait. Or les deux partis au pouvoir, Nouvelle Démocratie et Pasok, n’ont que 153 sièges sur 300 au Parlement.

Pour les convaincre, le gouvernement n’a pas fait dans la nuance : “Tous ceux qui voteront contre la loi seront tenus comptables d’une sortie du pays de l’euro”, a ainsi déclaré le ministre de la Santé, Adonis Georgiadis.

Le problème, remarque Theodoros Stamatiou, analyste à Eurobank, est que l’argent attendu est nécessaire au gouvernement “pour rembourser 9,3 milliards d’euros de dettes d’ici à la mi-mai”. Et un retard mettrait Athènes en mauvaise posture pour négocier ensuite l’allègement de son énorme dette (175% du PIB).

Comme souvent en Grèce, les choses devraient cependant s’arranger. “La probabilité que la loi ne passe pas est très faible”, selon M. Stamatiou.

Jeudi, le Premier ministre Antonis Samaras, visiblement confiant après avoir concédé des aménagements, a rappelé que les députés avaient déjà su montrer “leur sens des responsabilités”.

Panos Carvounis, chef de la représentation permanente de l’UE à Athènes, considère que “les efforts déjà demandés aux Grecs ont été suffisamment importants pour que les députés ne leur fassent par l’injure de renverser le gouvernement pour cette affaire de lait”.