A l’Office européen des brevets, ambiance délétère et président contesté

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éen des brevets, Benoît Battistelli dans son bureau à Munich, en Allemagne, le 23 février 2011 (Photo : Christof Stache)

[30/03/2014 13:56:01] Berlin (AFP) Lettres anonymes injurieuses, salariés qui se cachent pour téléphoner, grèves: l’Office européen des brevets (OEB) est depuis plusieurs mois le théâtre de fortes tensions alors que son président, le Français Benoît Battistelli, tente d’imposer des réformes.

“Je suis l’objet de critiques agressives et en partie inacceptables”, s’offusquait cette semaine dans un entretien au quotidien Süddeutsche Zeitung M. Battistelli. Et d’évoquer des lettres anonymes “sur lesquelles figuraient des croix gammées et mention de la Gestapo” reçues par de proches collaborateurs allemands, un climat de “peur” attisé par “une petite minorité”.

Le syndicat maison Suepo -qui revendique l’adhésion de plus de la moitié des 7.000 salariés de l’institution- lui renvoie la balle. Un communiqué récent fustige “un style de management autoritaire, caractérisé par la peur, l’isolement et les punitions”.

L’OEB basé à Munich (sud de l’Allemagne) délivre des brevets pour 38 pays européens. Il emploie à Munich, Berlin, Vienne et La Haye des professionnels hautement qualifiés, ingénieurs au moins trilingues qui décortiquent les dernières inventions dans tous les domaines possibles. Et n’ont à première vue pas le profil d’agitateurs sociaux, d’autant moins qu’ils sont, selon leurs propres dires, extrêmement bien payés.

“Cela n’est pas une excuse pour priver les gens de leurs droits fondamentaux”, argue-t-on du côté du personnel -sous couvert d’anonymat. Manifestement, parler avec la presse peut être lourd de conséquences. “Les gens ont peur pour leur emploi” est une phrase qui revient souvent. Il est aussi question de “dictateur” et de “climat de terreur”.

– un Etat dans l’Etat –

M. Battistelli a pris les rênes de l’OEB en 2010. Il essaie de réformer l’institution supra-nationale, sorte d’Etat dans l’Etat qui fonctionne avec son propre système de sécurité sociale, sa propre caisse de retraite. Objectif: être plus efficace -un euphémisme pour “coûter moins cher”- et préserver la qualité du travail, et ce alors que l’OEB va se voir confier la délivrance d’un nouveau brevet européen unique.

Face à ces défis, “il faut faire des aménagements”, explique Oswald Schröder, porte-parole de l’OEB.

Par exemple l’an dernier avec une nouvelle règle de contrôle des arrêts-maladie. La pomme de discorde cette fois-ci est une réforme de la désignation des instances de représentation du personnel et un nouveau règlement sur le droit de grève.

Ces derniers mois ont été émaillés de grèves, justement. Mais l’institution en a toujours connues, rappelle M. Schröder. Et M. Battistelli se dit certain qu'”une large majorité de fonctionnaires sont satisfaits des réformes” qu’il a initiées.

A l’INPI français, qu’il a dirigé pendant six ans, cet énarque à la carrière exemplaire de haut fonctionnaire a laissé un plutôt bon souvenir. “C’est un dirigeant rigoureux mais quand même ouvert”, se souvient Bruno Bernos, responsable syndical Unsa-INPI.

– “clash des cultures” –

Mais son style passe moins bien hors des frontières. M. Schröder évoque “un clash entre les cultures”.

Dans un portrait qu’il lui a consacré la semaine dernière, l’hebdomadaire allemand Die Zeit décrit un Français jusqu’à la moelle dans “son idée de l’Europe, sa manière de diriger une administration, la façon dont il en parle”. Difficile de ne pas lire dans l’analogie avec “un directeur d’école sévère mais bien intentionné” la critique d’une gestion un peu trop centraliste et paternaliste au goût de certains Européens.

Pourtant c’est un homme politique français, le député des Français du Benelux Philip Cordery, qui s’est rangé derrière le personnel de l’OEB. Dans un courrier au ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, M. Cordery critique la politique “anti-sociale” menée par M. Battistelli, qui “nuit fortement à l’image et à la réputation de la France”.

Le mandat de M. Battistelli court jusqu’à novembre 2015. Son prolongement ou sa succession seront bientôt à l’ordre du jour du conseil d’administration, où siègent les représentants des 38 Etats membres.