Le pacte de responsabilité à l’heure du mécontentement électoral

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ésident Francois Hollande (g) et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault au Château de Versailles le 27 mars 2014 (Photo : Michel Euler)

[31/03/2014 15:47:30] Paris (AFP) Symbole du tournant social-démocrate d’un François Hollande convaincu de la vertu des baisses de charges des entreprises, le pacte de responsabilité n’est toujours pas défini trois mois après son annonce et focalise les tensions au sein de la majorité.

Pour le gouvernement, sa mise en ?uvre est particulièrement délicate car le pacte pourrait être à la fois sa meilleure piste pour relancer l’économie et son plus gros boulet politique.

QUESTION: Qu’est-ce que le pacte de responsabilité?

REPONSE: On attend toujours d’en connaître les contours. Tel que François Hollande l’a esquissé le 14 janvier, il s’agit d’une baisse de 30 milliards d’euros des cotisations patronales en échange d’embauches et de mesures favorisant le dialogue social.

Concrètement, selon les dernières déclarations du ministre de l’Economie Pierre Moscovici, la solution privilégiée serait le maintien du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), une baisse de cotisation de 6% sur les salaires inférieurs à 2,5 Smic, soit 20 milliards d’euros déjà voté fin 2012, auquel s’ajouteraient 10 milliards de baisse des charges supplémentaires.

Le débat n’est pas tranché sur le ciblage de cette enveloppe supplémentaire: sur les bas salaires ou au contraire sur les salaires plus élevés pour aider les entreprises innovantes.

Le 5 mars, à l’issue de deux rencontres, le patronat et trois syndicats, la CFDT, la CFTC et les cadres de la CFE-CGC ont signé un “relevé de conclusions” dans lequel les signataires prévoient l’ouverture de discussions au niveau des branches professionnelles pour préciser des objectifs quantitatifs et qualitatifs des contreparties en terme d’emplois. Depuis, la CFE-CGC a retiré sa signature.

Q: La mise en ?uvre du pacte de responsabilité, annoncé il y a trois mois, n’a-t-elle pas trop traîné?

R: Depuis la mi-janvier, le gouvernement se réunit régulièrement afin de décider où se feront les économies nécessaires, sachant que la majorité des 30 milliards promis est financée par des réductions dans la dépense publique et une petite partie par une augmentation de la TVA.

Mais ce n’est qu’à la toute fin du mois de janvier que le gouvernement a réuni les partenaires sociaux pour leur laisser le soin de s’entendre sur le pacte. Le Medef a finalement convoqué une première réunion le 28 février, accusé par certains syndicats de jouer la montre. Depuis l’accord trouvé le 5 mars, pressé de toutes parts de s’exprimer, le gouvernement temporise, se targuant de privilégier la négociation discrète.

Le Pacte, “c’est une bonne idée mais un mauvais timing: à force de laisser tout le monde s’écharper là-dessus, on s’est privé d’un effet d’anticipation”, explique à l’AFP Ludovic Subran, directeur de la recherche économique chez Euler Hermes.

Q: Pourquoi est-ce présenté par le gouvernement et ses soutiens comme LA solution au problème du chômage et à la relance économique?

R: Alors que François Hollande et son gouvernement atteignaient des profondeurs dans les sondages d’opinion fin 2013, tirés vers le bas par une courbe du chômage qui refuse de baisser, l’annonce du Pacte lors de ses v?ux aux Français leur a redonné l’initiative politique. Depuis trois mois, le terme de “pacte de responsabilité” est sur toutes les lèvres socialistes.

L’idée du président constitue un tournant de la pensée économique de la gauche ces 30 dernières années: il s’agit de privilégier la politique de l’offre sur celle de la demande, c’est-à-dire d’agir sur l’activité des entreprises plutôt que sur la consommation des ménages pour relancer la machine.

“L’idée du pacte de responsabilité est de réinstaurer la confiance pour que les entreprises se mettent à investir et qu’il y ait un taux de croissance plus important que ce qui est prévu”, explique Alain Trannoy, directeur de recherche à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS). Pour lui, la méthode peut porter ses fruits à moyen terme.

Selon Xavier Timbeau, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, le pacte et le CICE pourraient “un tout petit peu dégager l’horizon pour les entreprises” en 2014.

Q: Que lui reprochent ses détracteurs?

R: La plupart d’entre eux y voient un “cadeau aux patrons”. Farouchement opposés à la mesure, la CGT et Force ouvrière ont refusé de signer le relevé de conclusions conclu entre le patronat et les autres syndicats.

Pour Jean-Claude Mailly, de FO, il s’agit d’un “pacte de complaisance”, “une feuille blanche” qui ne prévoit “rien” en termes d’emploi en contrepartie des 30 milliards d’euros de baisses de charges.

A la CGT, Thierry Lepaon juge ce pacte “irresponsable”. “L’acte politique du pacte revient à s’en remettre au seul patronat pour régler les problèmes économiques et sociaux”, estime-t-il.

Le 25 mars, la confédération des cadres CFE-CGC a retiré sa signature du relevé de conclusions, furieuse du résultat de la négociation sur l’assurance-chômage, peu favorable aux cadres.

Sur le terrain politique, la critique est également sans concession. L’UMP qui ne peut pas se dire contre le principe d’une baisse des cotisations patronales craint que l’exigence de contreparties chiffrées fasse de la France “une économie administrée, une économie soviétique”.

Mais c’est à gauche que la grogne est la plus forte. Lundi, l’écologiste Jean-Vincent Placé a ainsi dit “stop au pacte de responsabilité”, assurant qu’il “ne sera pas voté par la majorité”. “On va faire quoi comme économies ? Sur les prestations sociales ? Sur les politiques culturelles ? Sur les politiques sociales ? Attaquons les vrais sujets”, a déclaré le sénateur de l’Essonne.