à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno) |
[02/04/2014 12:02:23] Tokyo (AFP) Il avait déjà sa revue, genre “Mafia Gazette”: le principal clan du syndicat du crime japonais a désormais son site internet, au moment où le monde des yakuza connait une “crise des vocations”.
Sur ce site assez ringard au style carrément démodé, le clan Yamaguchi fait tout pour donner l’image de “gentils p’tits gars”, avec des messages contre la drogue, des images de cerisiers en fleurs, du Mont Fuji enneigé, le tout agrémenté avec son propre hymne.
Dans cette quête de respectabilité et pour illustrer la vie de messieurs biens sous tous rapports, le site offre des vidéos-guimauve.
Ici, on voit par exemple arriver quelqu’un de nuit dans un temple shintoïste sous une nuée de flashes, en humble kimono gris et sandales, certainement un gros bonnet du syndicat. Mitraillé par la presse telle une star de cinéma, l’homme vient faire ses dévotions nocturnes, jeter son obole et taper deux fois dans ses mains pour attirer la bienveillance des dieux.
Sur une autre vidéo, on peut voir d’honorables yakuza occupés à écraser à coup de maillet de bois du riz gluant pendant un festival de Nouvel an bon enfant, le tout agrémenté d’une chanson sirupeuse à souhait contre l’injustice et pour la défense des faibles.
Le site offre également des galeries de photos de “Yamaguchi boys” participant aux travaux de nettoyage après le séisme de Kobe (ouest) en 1995 et le tsunami de 2011 dans le nord-est du Japon.
Journaliste spécialiste du monde souterrain des yakuza, Jake Adelstein ne semble pas convaincu, loin de là: les yakuza ne sont pas un inoffensif club de gentils défenseurs de la veuve et de l’orphelin.
Leur fond de commerce, ça serait plutôt le jeu, le trafic de drogue, la prostitution, en passant par l’usure, le racket, l’immobilier et même des intérêts dans la finance.
– “Contactez-nous” –
“La devise des yakuza est +aider le faible, combattre le fort+. Dans la pratique ça serait plutôt le contraire”, ironise Adelstein, auteur du bestseller “Tokyo Vice”.
Cet ancien journaliste du quotidien Yomiuri Shimbun ne nie pas que lors de grandes catastrophes naturelles les yakuza ont pu être utiles, notamment “grâce à leurs liens avec le monde du transport, ou encore les masses de cash dont ils disposent”. Mais, au bout du compte, tout cela relève selon lui de la “com” et de l’image.
Car en réalité, même dans des situations tragiques comme le tsunami d’il y a trois ans, la pègre continue son business. On a ainsi découvert dernièrement que des travailleurs chargés de la décontamination autour de la centrale nucléaire dévastée de Fukushima avaient été recrutés en sous-mains par des mafieux à des salaires de misère.
éé par le principal clan yakuza, le 2 avril 2014 à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno) |
Mais depuis que la police a décidé de combattre un peu plus énergiquement le crime organisé, toléré jusque-là, les yakuza traversent une passe difficile: en 2012, selon la police, leur nombre a chuté de 28% par rapport à il y a dix ans.
Même s’il en reste environ 63.000, plus de 25.000 rien que pour le clan Yamaguchi, l’heure serait donc à la “retape” et à la pub pour se débarrasser de cette image de “forces anti-sociales”, l’appellation que la police japonaise leur colle.
Tout comme leurs cousins italiens (la mafia) ou chinois (les triades), les yakuza sont craints mais en même temps fascinent le public qui se régale de leurs aventures au cinéma ou dans des bandes dessinées (manga). Il existe toutefois une grosse différence: aussi incroyable que cela puisse paraître, les clans yakuza sont légaux, avec des bureaux dans les principales villes japonaises!
Même si la police effectue des descentes de temps en temps, l’existence de ces clans en tant que tels est autorisée, bien qu’une partie de leurs activités soit interdite. D’après les sociologues, la présence des yakuza réduit en effet la petite délinquance qui est “contrôlée” par ces organisations.
Le site internet, déjà visité par près de 165.000 personnes, est accessible à l’adresse http://zenkokumayakubokumetsudoumei.com/index.html.
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