Intellectuels ou ouvriers, pauvres ou riches, citadins ou ruraux, jeunes ou moins jeunes, les Tunisiens se sont engagés, depuis le déclenchement de la révolution, dans un long combat pour préserver leurs droits, leurs revendications mais aussi leurs acquis et ceux de toute la société.
Ces aspects ont été au centre d’un colloque organisé à Carthage les 3 et 4 avril, sur le thème «Penser l’engagement» à l’initiative de l’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts.
Des intellectuels tunisiens et étrangers mais également acteurs de la vie politique et associative ont présenté, vendredi 4 avril, leurs analyses du concept de l’engagement dans ses dimensions les plus variées.
“L’engagement de la femme tunisienne dans le processus démocratique a commencé bien avant la révolution”, rectifie Salwa Hamrouni, juriste et universitaire tunisienne.
En tant que femme actrice dans le débat constitutionnel et principalement active dans le tissu associatif, Mme Hamrouni refuse toute amalgame entre engagement féminin et engagement féministe. Elle affirme que “le combat pour la parité et pour les droits de la femme n’est pas seulement l’affaire des femmes”, précisant que des hommes se sont aussi engagés pour défendre le principe de la parité homme/femme et mènent une lutte pour préserver cet acquis à travers l’action politique et associative.
“Après la révolution, la présence féminine était observée, filmée, écoutée…”, se réjouit la juriste, citant la présence massive des femmes, tous niveaux confondus, dans les manifestations et les sit-in.
De l’avenue Habib Bourguiba à la Kasbah, jusqu’au Bardo, la femme tunisienne, étudiante, fonctionnaire ou ouvrière, n’a cessé de clamer fort ses droits et de manifester son refus de toute dominance masculine et de toute forme de discrimination, fait-elle remarquer.
Dans son intervention, Imed Melliti, universitaire tunisien, tente, pour sa part, de cerner la flamme qui a déclenché la révolution. C’est la femme “jeune et révoltée” contre “le modèle de justice sociale en crise et l’espace politique verrouillé du régime Ben Ali”, a-t-il expliqué.
“Les voies de l’engagement des jeunes sont plurielles”, précise l’universitaire tunisien, faisant allusion essentiellement aux différentes formes d’expression sur la toile à travers les blogs et les réseaux sociaux.
“Les jeunes ont réussi à vaincre la peur et à s’affranchir de l’autoritarisme des parents et du régime pour porter un regard assez critique envers les politiques, avant et après la révolution, qu’ils accusent d’être “sales” et “opportunistes”, selon l’expression de M. Milliti.
Toutefois, l’engagement de ces jeunes, comme le montrent certaines enquêtes réalisées après la révolution, reste loin de la politique puisque ces derniers (les jeunes) font part d’une certaine méfiance vis-à-vis des politiques”.
L’universitaire évoque aussi le phénomène de “conversion” chez les jeunes qui ont parfois tendance à changer d’un camp à l’autre et refusent même d’intégrer les partis politiques et affichent leur désintéressement de la vie politique de manière générale.
Tant de paradoxes laissent à penser que le processus révolutionnaire est loin d’être achevé puisque “des chantiers d’avenir restent encore à travailler et à explorer à tous les niveaux”, estime M. Militi..