Où et pourquoi trouver 50 milliards d’économies ?

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ôtel de Matignon à Paris (Photo : Fred Dufour)

[07/04/2014 16:26:26] Paris (AFP) Le plan de 50 milliards d’euros d’économies dont le Premier ministre Manuel Valls doit annoncer les grandes lignes mardi sera réparti proportionnellement entre Etat, Sécurité sociale et collectivités territoriales, un effort collectif qui permettra de déployer le Pacte de responsabilité sur lequel reposent tous les espoirs de reprise du gouvernement.

QUESTION: Pourquoi économiser 50 milliards sur la dépense publique ?

REPONSE: Lorsque le président de la République a annoncé mi-janvier a fixé l’objectif de réduire la dépense publique de 50 milliards d’ici à 2017, il pensait surtout au Pacte de responsabilité. Ce pacte prévoit de baisser les cotisations patronales de 30 milliards sachant que le financement de 20 milliards avait déjà été prévu – mais pas entièrement provisionné – pour le crédit d’impôt compétitivité emploi (via notamment la hausse de la TVA). Par ailleurs, le gouvernement a promis de baisser la fiscalité des entreprises et de faire un geste pour les ménages. Enfin, dans le cadre de ses engagements européens, la France doit réduire drastiquement son déficit public.

Or, explique Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis, “si on maintient les 50 milliards, compte tenu de la contrainte budgétaire, on augmente les impôts”. Autrement dit 50 milliards ne suffiront pas à financer tous les chantiers en cours, sans compter que Paris doit obtenir de Bruxelles un délai supplémentaire pour ramener son déficit public sous 3% du produit intérieur brut.

Q: Comment seront répartis ces 50 milliards?

R: Selon Bercy, les ordres de grandeur sont 20 milliards pour l’Etat, autant pour la sécurité sociale et 10 milliards pour les collectivités locales. Une équation simple sur le papier mais extrêmement périlleuse dans les faits.

Concernant l’Etat, “ça veut dire clairement s’attaquer à la masse salariale de la fonction publique”, explique Ludovic Subran, économiste en chef chez Euler Hermes. Il estime que la majorité va probablement revenir sur les 60.000 créations de postes dans l’Education nationale, voire réinstaurer le principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux qu’elle a tant critiqué. Autre piste selon lui, un plan de départ en pré-retraite des hauts fonctionnaires très bien payés mais “peu ou pas occupés”.

Quant à la Sécurité sociale, la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine avait promis qu’il n’y aurait pas de déremboursements de médicaments, mais M. Subran est dubitatif. “La réforme des retraites a été trop embryonnaire pour donner un second souffle de financement, le chômage reste un sujet tabou vu la quantité de chômeurs en France, donc on va être obligé de faire tout porter sur l’assurance maladie”, décrypte-t-il.

Les collectivités territoriales vont enfin pour lui beaucoup souffrir des baisses de dotations de l’Etat (environ 3 milliards par an). “Ca va être difficile sans avoir une fusion de communautés”, estime l’économiste, rappelant le référendum raté en Alsace, et appelant à une prise en compte des doublons entre échelons administratifs.

Au final, “le coût politique de ces 50 milliards est assez élevé parce que ce sont des coupes qui sont difficiles à faire”, prévient-il, évoquant un discours “prophétique”, volontariste mais quasi impossible à réaliser. “Sur chacun des trois piliers, il faut au moins une innovation, un choc, sinon on ne démontrera pas que la France peut savoir se réformer tout en protégeant son modèle social”.

Q: Le pacte de responsabilité peut-il relancer l’économie?

R: Il constitue un tournant de la pensée économique de la gauche ces 30 dernières années: privilégier la politique de l’offre sur celle de la demande, en agissant sur la santé des entreprises plutôt que sur la consommation des ménages pour relancer la machine.

“Le pacte de responsabilité a pour objet de favoriser l’amélioration de la demande privée, via l’investissement, afin de retrouver une dynamique du produit intérieur brut tirée principalement par celle ci”, alors que c’est aujourd’hui, du fait de la crise, la demande publique tient l’économie à bout de bras, explique Philippe Waechter.

“L’objectif est de redonner les moyens aux entreprises, qu’elles retrouvent des taux de marge comparables à l’avant-crise pour leur permettre de capter le dynamisme de l’Europe et du Monde et faire en sorte que l’économie française puisse rentrer dans le jeu global”, poursuit l’économiste, qui espère que cela relancera par ricochet la consommation.