A 60 ans tout rond, la TVA, impôt “made in France”, fait toujours débat

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çu de paiement avec la TVA (Photo : Philippe Huguen)

[09/04/2014 17:53:07] Paris (AFP) Pensée pour être neutre et bénéfique à la compétitivité des entreprises, la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été inventée en France il y a 60 ans, et est depuis devenue un sujet de polémique parce que s’appliquant à tous sans distinction de revenu.

Malgré les débats, la TVA n’a pas de couleur politique et a surtout la caractéristique d’être “indolore” puisque le consommateur ne se rend pas compte qu’il paye une taxe en achetant un produit, explique à l’AFP Michel Bouvier, professeur à Paris I et président du centre de réflexion sur les Finances publique Fondafip.

Il rappelle qu'”on peut difficilement s’en passer”, surtout en période de restriction budgétaire, puisqu’elle rapporte 140 milliards par an à l’Etat, soit la moitié des recettes fiscales annuelles de la France. A titre de comparaison, l’impôt sur le revenu, dont le taux est progressif, rapporte 74 milliards.

Inventée en France par Maurice Lauré, un inspecteur des Finances, et adoptée le 10 avril 1954, la TVA a depuis essaimé dans 133 pays et est même devenue en 1972 une obligation pour les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne.

“Les raisonnements qui ont mené la France à mettre en place ce système ont convaincu petit à petit tous les pays”, assure Michel Taly, ancien directeur de la Législation fiscale à Bercy aujourd’hui avocat fiscaliste chez Arsène Taxand.

Les anciennes “taxes sur les ventes” posaient en effet deux problèmes majeurs, relève-t-il.

– Un impôt très complexe –

D’une part, le commerçant de détail seul avait la charge du recouvrement, d’autre part, les entreprises réalisant la totalité d’un produit et le revendant fini étaient avantagées par rapport à celles qui passaient par plusieurs intermédiaires et payaient donc plusieurs fois.

“La TVA permettait de fractionner le paiement à tous les stades tout en restant neutre économiquement” pour les entreprises, puisqu’on déduit toujours en aval la TVA payée en amont, poursuit le fiscaliste.

Ce système “a été pensé en 1954, pendant la reconstruction, comme un impôt qui ne pèse pas sur l’entreprise”, détaille M. Bouvier. L’objectif était aussi dès le début de favoriser les exportations puisque cet impôt ne les frappe pas.

Puis sont venus les débats et la TVA, payée par le consommateur final, est aujourd’hui encore un sujet de polémique très apprécié des politiques parce qu’elle s’impose à chacun quel que soit son revenu, sans la progressivité ou la proportionnalité des impôts directs. Autrement dit elle est “injuste”.

“C’est un réflexe pavlovien de dire que, puisqu’il est proportionnel à la dépense, il est forcément injuste”, s’agace Michel Taly, expliquant que “sauf les très, très riches, tous les autres utilisent leur épargne pour consommer ou pour un achat immobilier”, payant donc de grosses sommes de TVA.

L’économiste observe également que le logement n’est pas soumis à la TVA, épargnant les plus défavorisés et que l’argent de l’économie souterraine est utilisé pour consommer. “Au moins quand des produits sont consommés, la TVA est payée”, conclut-t-il. C’est en outre un impôt payé par exemple par les touristes, note M. Bouvier.

Pour lui d’ailleurs, plutôt qu’injuste, le grand défaut de la TVA est d’être trop complexe.

“Au fil des ans, il y a eu des groupes de pression qui ont voulu des taux plus plus bas, il y a eu aussi des interventions de l’Etat, au niveau social”, raconte M. Bouvier.

La grille des taux est devenue extrêmement nébuleuse. L’économiste donne l’exemple d’un boulanger qui vend “du pain avec un taux de 5,5% de TVA, une part de pizza avec un taux de 10%, du chocolat noir à 5,5% et du chocolat au lait à 20%: il lui faut un logiciel pour traiter tout ça !”.

Quatre taux existent aujourd’hui en France: 2,1% pour les médicaments, 5,5% pour les produits de première nécessité, 10% de taux intermédiaire (hôtellerie-restauration) et 20% de taux normal.

“Il faudrait la simplifier” et “l’harmoniser par le haut au niveau”, estime-t-il, faute de quoi, elle pourrait disparaître.

D’autant plus, rappelle-t-il, que cette complexité donne libre cours à la forte imagination des fraudeurs. Les pertes en TVA dues à des escroqueries sont estimées en France à 10 milliards d’euros par an.