Fawzia Bacha, avocate à la Cour de cassation et spécialiste des contrats pétroliers internationaux, appelle l’Etat tunisien à “hâter la révision des contrats pétroliers conclus après la révolution du 17 décembre/14 janvier 2011 et à lutter sérieusement contre la corruption qui persiste dans le secteur de l’énergie en Tunisie”.
Mme Bacha, qui intervenait lors d’un séminaire sur “la réalité de l’exploitation et les perspectives du secteur énergétique”, organisé mercredi 9 avril par le Parti du Courant Démocratique à Tunis, estime que “la Tunisie a toute la légitimité et le droit de réviser ces contrats”, en se basant sur la convention internationale de lutte contre la corruption et en se référant aux derniers rapports de la Cour des comptes et de la Commission nationale d’investigation sur les affaires de la corruption et de la malversation.
Selon ses dires, cette révision va permettre à la Tunisie de mobiliser des ressources financières à court terme.
Evoquant le gisement de Miskar, qui assure 48% de la production nationale de gaz naturel, l’avocate a révélé que la part de la Tunisie de ce champ pétrolier marin à Sfax est estimé à 24%, soit l’équivalent de 300 millions de dinars au titre de l’année 2013, soulevant “des soupçons de corruption”, derrière l’octroi de ce permis.
Elle a aussi fait valoir qu’une révision du contrat d’exploitation du champ “Didon” (permis Zarat à Gabès), dont la production s’élève à 51 000 barils par jour, permettrait à la Tunisie d’augmenter son quota à 5500 barils de pétrole par jour.
Mme Bacha a mis l’accent, à cet effet, sur la nécessité de prendre une décision politique “audacieuse” pour réviser les contrats pétroliers, appelant à hâter aussi le changement d’un nombre responsables à la tête de certaines entreprises publiques actives dans le secteur.
“Ces responsables sont ceux qui ont mené les négociations avec les entreprises étrangères et qui ont contribué à l’octroi de permis sur des bases malsaines”, a-t-elle accusé.
Mme Bacha estime également nécessaire d’amender le code des hydrocarbures, promulgué en 1999, lequel comporte plusieurs articles qui ont été exploités par les compagnies pétrolières étrangères pour servir leurs intérêts.
L’avocate a critiqué, à ce propos, l’action de la commission consultative des hydrocarbures, affirmant, statistiques à l’appui, que cette commission a reçu 156 dossiers pendant la période poste-révolution, dont 90% ont été approuvés.
Elle a fait valoir, dans ce cadre, que cette commission a poursuivi son activité selon la même méthode adoptée avant la révolution, l’accusant de “blanchir la corruption dans le domaine de l’énergie”.
Mohamed Mabrouk, enseignant à l’Ecole supérieure des statistiques et de l’analyse de l’information et expert auprès de l’Institut tunisien des études stratégiques, a appelé l’Etat tunisien à investir dans le secteur énergétique surtout dans le domaine de la prospection et de l’exploration et à ne pas céder cette activité à des entreprises étrangères, lesquelles réalisent 70% des investissements dans le secteur.
Il a proposé dans ce cadre, de soutenir les entreprises publiques opérant dans ce domaine, à l’instar de l’entreprise tunisienne d’activités pétrolières, en les encourageant à la prospection pétrolière, sans avoir recours à des entreprises étrangères.
Mabrouk a jugé nécessaire d’activer le conseil supérieur de l’énergie, de le renforcer par des compétences tunisiennes et de lui accorder de plus larges prérogatives en matière de contrôle du secteur. Il a aussi, critiqué le manque de transparence des entreprises publiques dans ce domaine, puisqu’elles ne veulent pas dévoiler les indicateurs et les chiffres réels ayant trait au secteur énergétique en Tunisie.
Le secrétaire général du parti du courant démocratique, Mohamed Abbou a souligné, de son côté, qu’il est temps d’effectuer un audit complet du secteur énergétique, en Tunisie et particulièrement en matière d’octroi des permis de prospection».
Il a recommandé d’ouvrir une enquête sur les soupçons de la corruption, dévoilés dans les deux derniers rapports annuels de la cour des comptes et de la commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversations.