Ne pensez-vous pas que toutes ces affaires de confiscations et de listes faites, à tort ou a raison, portent du tort à la communauté d’affaires en Tunisie? Car les corrompus, il y en a partout, mais nous avons l’impression que seuls les opérateurs privés payent…
Votre question me donne l’occasion d’exprimer ma reconnaissance aux hommes d’affaires tunisiens. La communauté d’affaires tunisienne n’a pas été systématiquement en copinage avec le milieu mafieux ou un système corrompu. Bien au contraire, il y a des hommes d’affaires qui ont pris des engagements, qui ont investi et pris des risques en dépit des difficultés. Et je tiens à leur rendre hommage. Si aujourd’hui, nous nous vantons en Tunisie d’une industrie aussi compétitive dans le domaine de l’automobile, du pétrole ou de l’aéronautique et dans nombre de secteurs, c’est aussi grâce à ces personnes lesquelles aujourd’hui, en dépit de la crise, continuent à investir.
J’ai sous la main l’étude de la Banque mondiale, je ne l’ai pas lue entièrement. Mais je refuse que l’on réduise le secteur privé à un certain nombre d’entreprises qui avaient commis des malversations. Je ne peux, personnellement, occulter le mérite de ces investisseurs privés et toute la communauté d’affaires qui a construit avec l’Etat -les travailleurs, les organisations syndicales, notamment l’UTICA et l’UGTT- la Tunisie d’aujourd’hui.
Maintenant, j’estime qu’il est grand temps de rassurer nos opérateurs privés et de relancer les investissements. Nous avons besoin de l’investissement et nous devons faire de l’investissement le cœur de notre dynamique de croissance.
Je suis d’accord avec le chef du gouvernement qui tient à résoudre au plus vite les dossiers des hommes d’affaires en suspense ainsi que les ministres concernés par ce dossier. Nous essayerons tous d’avancer assez vite sur ce dossier.
Pour l’histoire, monsieur le ministre, nous ne pouvons quand même pas nier que l’idée de la CDC date d’avant le 14 janvier?
Vous avez raison. L’idée n’est pas nouvelle, elle a été réfléchie depuis 2008 et concrétisée après le 14 janvier. Elle est pertinente, car elle consiste à dire que l’Etat doit être un acteur important dans les projets où les investissements sont lourds. Pour ce, il faut qu’il soit muni d’une arme financière capable d’intervenir dans le cadre de partenariat avec le secteur privé. Cela fait deux années que nous planchons sur cela.
Personnellement, j’ai eu plusieurs entretiens avec le directeur de la CDC si Jamel Belhadj, et je continue à en discuter avec lui. Il y a eu plusieurs facteurs. La création effective de la CDC, le choix du personnel, nous avons voulu avoir les meilleurs, la détermination des salaires car les meilleurs doivent être bien payés car ils n’accepteront en aucun cas d’être bradés, ce qui revient à dire qu’il leur faut une grille spéciale de salaires.
La CDC attend aussi la loi sur l’IPPP, pour entamer les grands chantiers. Mais il faut reconnaître que si aujourd’hui nous avons créé la CDC, il faut la doter d’une véritable vision stratégique, une vision pour l’avenir, et c’est ce que nous voulons faire dans le cadre de la discussion de la présence de l’Etat dans le secteur du financement de l’économie.
Quelle est la question la plus urgente à traiter pour Hakim Ben Hammouda aujourd’hui?
Pour moi le plus urgent aujourd’hui, c’est la crise des finances publiques. Il faut lever les tensions sur les finances publiques. Ceci dit, nous ne voulons pas que la réponse à la crise des finances publiques soit seulement financière. Nous voulons qu’elle se fasse dans le cadre d’un retour de la croissance à travers les investissements et, de ce point de vue, je pense que l’investissement, privé, public et étranger, a un rôle important dans la relance de l’économie. C’est ainsi que nous pouvons répondre aux défis de la révolution notamment l’emploi et surtout celui des jeunes.
Nous lançons la réforme du secteur bancaire, nous sommes en train de finaliser la réforme du système fiscal et surtout nous lançons, avec mes collègues de l’Agriculture et de l’Industrie, et des Nouvelles technologies, la réflexion sur le nouvel modèle de développement. Quels sont les secteurs d’avenir en Tunisie? Nous en parlons depuis dix ans, personne n’a jamais rien fait pour un véritable changement. Nous tenons à concevoir et édifier pour notre pays ce nouveau modèle de développement, nous tenons à doter la Tunisie d’une vision stratégique qui permette d’identifier les 7, 8 ou 10 secteurs qui vont conduire l’économie tunisienne sur les 10 années prochaines et la projeter dans le monde développé.