à Paris (Photo : Thomas Coex) |
[17/04/2014 15:19:06] Paris (AFP) Nespresso s’est engagé auprès de l’Autorité de la concurrence à modifier ses pratiques pour permettre une plus grande ouverture du marché français des dosettes de café, sur lequel les fabricants se livrent une guerre depuis plusieurs années.
La filiale française du groupe suisse Nestlé s’est engagée à communiquer “au moins trois mois à l’avance” à ses concurrents les modifications techniques apportées à ses machines qui les rendraient incompatibles avec d’autres capsules.
Elle a également promis de ne plus dissuader les consommateurs d’utiliser les capsules de ses concurrents, que ce soit par voie de presse, sur ses emballages ou dans ses boutiques, et à modifier les conditions de garanties de ses machines.
L’Autorité de la Concurrence va mettre en place un “test de marché” jusqu’au 19 mai, dont les conclusions seront rendues en juillet, pour voir si ces engagements “sont suffisants et pertinents” pour permettre de lever les obstacles à l’entrée et au développement des autres fabricants de capsules fonctionnant avec ses machines à café, a-t-elle indiqué.
Dans le cas contraire, l’instance se réserve le droit d’engager une procédure contentieuse pour abus de position dominante.
Les amendes possiblement encourues par Nestlé pourraient alors atteindre 10% de son chiffre d’affaires annuel. “Mais nous n’en sommes pas là pour le moment”, a souligné le président de l’Autorité, Bruno Lasserre.
“C’est une première mondiale de voir ainsi un groupe mondial s’engager ainsi de manière négociée à modifier ses pratiques sur un de ses principaux marchés”, s’est-il réjoui.
La France représente environ 25% des ventes mondiales de dosettes pour Nespresso, célèbre pour ses publicités mettant en scène l’acteur George Clooney.
Concrètement, “cela ne veut pas dire que les machines Nespresso seront rendues compatibles avec les capsules des concurrents, mais il s’agit plutôt de donner les moyens à ces derniers de pouvoir s’adapter”, a expliqué M. Lasserre.
“Nous ne privons pas Nespresso de sa capacité d’innovation, mais nous voulons ainsi élargir le choix offert aux consommateurs”, a-t-il ajouté.
– Actions en justice –
Depuis 2010, plusieurs fabricants de dosettes pour machines à café ont accusé Nespresso d’entraves à la concurrence.
Parallèlement à des procédures de saisie-contrefaçon et des contentieux autour des brevets, la société suisse Ethical Coffee Company (ECC) avait saisi dès 2011 l’Autorité de la Concurrence.
D’autres groupes, comme le géant néerlandais D.E Masters Blenders (DEMB, filiale du groupe allemand Joh. A Benckiser), qui détient notamment les marques Maison du Café et Senseo, ou le géant américain Mondelez (Carte noire), peinent aussi à rivaliser avec le géant suisse sur ce créneau juteux.
Des actions en justice ont également été engagées à l’étranger (Allemagne, Suisse) aussi bien par Nestlé que par ses concurrents.
Jean-Paul Gaillard, le président d’Ethical Coffee Company SA, s’est félicité de la décision de l’Autorité de la concurrence.
“Pour nous, c’est excellent. (…) Cela prépare les conditions qui permettent à chacun de développer sa position”, a-t-il déclaré à l’AFP.
DEMB s’est en revanche montré plus mesuré. “Nous avons (…) l’impression que les engagements proposés permettent encore à Nestlé de restreindre le libre choix des consommateurs”, a indiqué le groupe dans un communiqué, ajoutant qu’il informerait l’Autorité “dans les prochaines semaines, des conclusions de (son) analyse et des demandes d’amélioration des engagements nécessaires”.
L’autorité française avait entamé des discussions avec Nestlé à l’automne, lui faisant part d’un certain nombre de préoccupations.
“Nous avions constaté qu’à partir de 2009, Nespresso avait mis en ?uvre un certain nombre de modifications techniques sur ses machines – par exemple en ajoutant des nervures et des crochets à ses dosettes ou en modifiant leur système de perforation – qui, de fait, les rendaient incompatibles avec les dosettes de ses concurrents”, a rappelé M. Lasserre.
Il a jugé “troublant” le fait que ces changements “aient coïncidé avec l’arrivée possible d’un nouveau concurrent”.
Nespresso France a souhaité répondre aux questions du gardien de la Concurrence en prenant différents engagements, qui s’ils sont validés par les Sages, seront alors rendus obligatoires pour une durée de sept ans.
Le groupe a spécifié jeudi dans un communiqué qu’il comptait “poursuivre sa collaboration” avec l’Autorité afin “de clôturer le dossier”.
“Ces engagements ne valent, ni n’impliquent, une quelconque reconnaissance [de notre part] du bien-fondé des préoccupations de concurrence exprimées”, a souligné le groupe.
“Il est important de noter que l’évaluation préliminaire de l’Autorité de la concurrence ne constitue pas un constat d’irrégularité de nos pratiques commerciales”, a-t-il ajouté.
En signe de bonne volonté, Nespresso assure avoir déjà appliqué “de manière anticipée” les engagements pris sur son nouveau modèle de machine “Inissia”, commercialisé depuis mars.