Le verdict de la Cour d’appel militaire, rendu samedi 12 avril 2014 dans l’affaire des martyrs du Grand Tunis, de Thala et de Kasserine, a suscité une émotion dont les retombées continuent, comme il a suscité l’indignation et la colère des familles des martyrs et blessés, de leurs avocats et d’une grande partie de la société civile et des partis politiques.
Il n’est pas étonnant que le verdict d’un tribunal puisse être ainsi critiqué, vilipendé dans une société démocratique (ou en chemin vers la démocratie). Les réactions et les multitudes d’approches critiques sont à mettre au crédit de la liberté que les Tunisiens ont retrouvé justement grâce au don de soi des martyrs et des blessés des jours sanglants du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011.
Cependant, l’avalanche de critiques mais également les voix scandalisées, en dehors des familles des martyrs eux-mêmes -et que notre propos ne concernent pas- ont vite fait de franchir les limites et de tomber dans des amalgames qui, si nous suivons leur logique, sont en train de remettre en cause les fondements de l’Etat de droit auquel nous aspirons.
Certains rappellent sans relâche que les juges du tribunal ont pris leurs décisions et ont prononcé leur verdict en se basant sur un dossier d’instruction lui-même instruit à partir d’un travail d’enquête criminelle… Conduite par la police! Plusieurs spécialistes soulignent que cette procédure -tout ce qu’il y a de plus normal-, ne l’est pas justement dans le cas d’espèce.
Les accusés sont en majorité des policiers, des chefs policiers, des chefs politiques de premier et de second ordre en plus de quelques militaires.
Des voix se sont élevées très tôt parmi les avocats de la défense et les associations des blessés et des martyrs pour dire que le dossier est biaisé! Même les avocats des accusés ont vendu la mèche en clamant que les dossiers de leurs clients sont vides et ne sont pas solides!
Les juges, tout militaires qu’ils soient, ne peuvent donner que ce qu’on leur fournit: on leur a fourni des dossiers d’accusations extrêmement légers et leur verdict a été à l’aune de ce qu’ils y ont trouvé!
Les avocats de la défense ne le voient pas de cet œil et insistent pour dire que le tribunal possède de quoi accuser et punir les accusés et qu’il a refusé de le affaire!
Les théoriciens du complot ont tout de suite pris le relais et ont monté des milliers des scénarios dans ce sens. Entre ceux qui accusent les «azlem» de Ben Ali -qui ont les preuves d’une collusion entre armée et police-, les propos incohérents de certains syndicalistes des forces de l’ordre… Il n’empêche que nous sommes dans une situation très délicate…
Et voilà que les politiques débarquent! Du président de la République à celui de l’ANC, aux différents leaders politiques des partis, c’est le branle-bas de combat! Tous se scandalisent, tous crient à la trahison… Sauf que les uns et les autres, ceux de la Troïka -anciennement au pouvoir- et ceux de l’opposition oublient qu’ils ont laissé passer quatre gouvernements sans rien faire.
Ils oublient que pas un seul avocat, pas un seul de n’importe quel parti -et ils sont légions dans les partis- n’a donné un coup de main sérieux pour la défense des martyrs! Ils oublient que maîtres Kellil et Haddad sont les seuls avocats «VOLONTAIRES» gratuitement pour les familles des martyrs!
Ils oublient que les décrets d’application de la justice transitionnelle -seule à même de résoudre ce genre de procès- sont en panne à l’ANC!
Ils oublient, enfin, que presque 4 ans après la révolution, les uns et les autres n’ont pas pu faire aboutir une liste définitive de ces martyrs et de ces blessés!
Alors!?