Le succès est autant sinon plus difficile à gérer que l’échec… Nidaa Tounes, le parti de Béji Caïd Essebsi (BCE), en est l’exemple… Surfant sur la vague de ses multiples succès dans les sondages et au niveau de l’adhésion des beaucoup de Tunisiens, qu’ils soient des simples citoyens ou des politiques, des syndicalistes et des militants de divers horizons, Nidaa Tounes est ces jours-ci à la croisée des chemins avec pour horizon les élections législatives et la présidentielle…
Le pari qu’a lancé BCE en appelant les opposants à Ennahdha à s’unir au début de 2012 a surtout réussi à fédérer des militants venant de divers horizons et qui ne se retrouvaient pas dans les partis d’opposition existants. En plus, le charisme de l’ancien Premier ministre a fait le reste en attirant une kyrielle de noms d’anciens politiciens, y compris d’anciens RCD.
La crise de l’été 2013 a également intronisé Nidaa Tounes comme locomotive des actions d’oppositions à la Troïka à travers l’Union pour la Tunisie et le Front du Salut. Ainsi, Nidaa Tounes devenait l’incontournable de toute équation politique d’avenir en Tunisie surtout qu’il a continué à caracoler en haut de tous les sondages d’opinion et son leader en haut de tout les présidentiables… Nidaa Tounes a même réussi à amadouer Ennahdha et Rached Ghannouchi à travers justement la crise de l’été 2013 et ainsi à écarter l’anathème jadis jeté sur lui par les Nahdhaouis! C’est une série de performances que personnes ne peut contester!
Aujourd’hui Nidaa Tounes doit gérer ces succès et ce n’est pas chose facile! Le parti est tiraillé entre ses courants (il est un de rares partis à en reconnaître l’existence en son sein) qui risquent des fois l’affrontement en l’absence de la voix du président. Il ne cache pas non plus l’existence en son sein d’un courant clairement défini comme RCDiste sans compter les bourguibiens même si ces derniers sont surtout là pour la filiation destourienne que le parti affiche! Nidaa Tounes a une gauche (militants de gauche reconvertis, anciens syndicalistes, transfuges des partis de Gauche classiques, etc.) et une droite (RCD, Destour, libéraux de tout bord…) à réconcilier en permanence au niveau central mais également et plus difficilement à l’intérieur, dans les régions.
Dans les régions également, beaucoup de travail a été fait depuis la constitution du parti. BCE présidera, dimanche 20 avril 2014, un grand meeting populaire à Sfax, ville où le parti est, semble-t-il, en force. Cependant, une ligne de démarcation nette sépare l’audience bien réelle du parti dans le nord, au Grand Tunis et au Sahel, du reste du pays et particulièrement au sud (Est mais également Ouest) où Nidaa Tounes ne perse pas suffisamment bien…
En perspectives des élections, Nidaa Tounes doit se positionner avec plusieurs contraintes difficiles à gérer et avec des imbrications lourdes de conséquences… Tenir ou ne pas tenir son premier congrès avant les élections fait déjà débat, et voilà Hafedh Caïd Essebsi qui propose une sortie pour ce dilemme: «Faute de temps matériel pour organiser un congrès électif avant les prochaines élections qui doivent se tenir normalement avant la fin de l’année en cours et dans une étape intermédiaire, indique M. Caïd Essebsi, il serait déjà plus approprié pour limiter les frustrations et les tensions entre les différentes sensibilités politiques existantes à Nidaa Tounes, de commencer par l’élection des membres du «comité de direction», et ce directement par le «Conseil national».
Viendra ensuite l’épineuse question des alliances. Le mois dernier et lors d’un Conseil national, on s’est étripé à propos de cette question. La logique des alliances de Nidaa Tounes jusqu’ici le conduit à chercher par tous les moyens des accords électoraux avec les composantes de l’Union Pour la Tunisie, c’est-à-dire principalement avec Al Massar! Ces perspectives se heurtent à des résistances farouches de la part d’une bonne partie des militants qui réclament des listes Nidaa indépendantes! A la rigueur, si des listes mixtes sont acceptées par d’autres, ils exigent que les premières places soient réservées aux militants de Nidaa Tounes! «Nous sommes les leaders et nous avons une base assez large surtout dans certaines régions, il n’y a pas de raisons pour laisser la place aux autres», disent ces militants.
Encore une fois, c’est à BCE que reviendra, probablement, la lourde tâche de trancher avec doigté cette question difficile et urgente à la fois!
Les contraintes des alliances et des élections ne s’arrêtent pas là! Il faut imaginer dès maintenant les scénarios d’un succès électoral qui obligerait Nidaa Tounes à contracter des alliances de gouvernement! La première de ces alliances à envisager concerne évidement le Front Populaire. C’est un allié de poids qui peut, d’après tous les sondages, prétendre à avoisiner les 10% des suffrages. Mais comment s’allier avec le Front populaire et ses thèses économiques qui sont loin de celles de Nidaa Tounes, lesquelles sont plutôt libérales?
Comment répondre, d’autre part, à l’appel du pied que ne cesse de faire Ennahdha et ses leaders pour un gouvernement de large union nationale pour affronter la crise? BCE n’a pas rejeté la proposition lors de ses différentes déclarations, mais il ne l’a pas fait sienne non plus! La question mérite réflexion, et sûrement la direction de Nidaa Tounes y travaille! Le plus difficile dans le cas d’espèce serait le marketing d’une telle idée afin que la base puisse l’accepter…
Des travaux d’Hercule? C’est en tout cas le lot de tout parti de gouvernement que d’affronter ces questions surtout avec l’approche imminente d’un scrutin national …