Les communiqués publiés, mardi 15 avril, par Tunis et Bruxelles à l’issue de la dixième réunion du Conseil d’Association Tunisie-Union européenne, sont, le moins qu’on puisse dire, frustrants en ce sens où ils n’annoncent rien de concret au triple plan politique et socio-économique.
Au rayon politique, Tunisiens et Européens se sont mis d’accord sur les priorités «du partenariat privilégié», voire de la feuille de route à suivre, durant la période 2014-2017. Les deux communiqués restent vagues sur ce point et ne mentionnent aucune priorité. C’est tout juste des professions de foi.
Idem pour le volet économique, la partie européenne rappelle, vaguement, son éternelle volonté de «faciliter l’intégration progressive de l’économie tunisienne dans le marché intérieur européen, de renforcer les échanges commerciaux et d’améliorer l’environnement de l’investissement en Tunisie». Là aussi, rien à retenir concrètement.
Ensuite, l’UE a réitéré, au cours de cette réunion, son offre concernant deux dossiers qui lui tiennent à cœur: la relance des négociations sur la déréglementation du transport aérien (Open Sky) et sur la libéralisation des services et du commerce agricole.
S’agissant de l’aide financière, l’UE européenne a fait état de sa disposition à l’accroître. Les Tunisiens estiment le montant des dons pour 2014 à 200 millions d’euros.
L’UE a tenu à rappeler, dans son communiqué, que pour aider la Tunisie à faire face à ses défis macro-économiques, le Parlement européen était sur le point de voter une aide macro-financière substantielle de 300 millions d’euros sous forme de prêts aux conditions très avantageuses (cette aide étant étroitement coordonnée avec celle récemment décidée par le FMI).
Concernant les attentes de la Tunisie en matière de mobilité humaine, Tunisiens et Européens ont, une nouvelle fois, «exprimé leur souhait» -bien leur souhait- d’aller de l’avant en matière «de partenariat pour la mobilité».
Plusieurs raisons…
Au-delà de ces documents, il faut reconnaître que ces résultats décevants étaient, plus ou moins, attendus, et ce pour quatre raisons.
La première consiste en le timing de cette réunion. Cette dernière intervient à la veille du renouvellement, d’ici la fin de l’année 2014, de toutes les instances européennes. Les nouveaux présidents de la Commission et du Parlement européens seront connus, respectivement, au mois de septembre et de mai prochains.
Conséquence: les deux principaux pouvoirs européens sont, ainsi, plombés et ne peuvent rien décider.
La seconde serait peut-être perceptible à travers l’indignation de la Tunisie après l’adoption, le 8 avril 2014, par la Commission européenne «d’un nouveau règlement établissant de nouvelles valeurs forfaitaires à l’importation pour la détermination du prix d’entrée de certains fruits et légumes en provenance de pays tiers, dont la Tunisie». Les exportations tunisiennes d’huile d’olive, des agrumes, des dattes, des fruits de mer et des primeurs risquent d’en pâtir.
La troisième a trait au comportement attentiste de l’Union européenne laquelle n’a pas accompagné l’enthousiasme avec laquelle elle avait accueilli la révolte des Tunisiens du 14 janvier 2011, par une aide massive conséquente à la mesure de l’ampleur des défis que la Tunisie devait relever pour réussir sa transition démocratique.
Les Tunisiens sont déçus de voir les Européens accorder une aide significative à l’Ukraine (1 milliard d’euros) dès la signature de son Accord d’association alors que la Tunisie, après 10 ans de la signature de son Accord (1995), ne s’est vue octroyer, depuis 2011, que quelque 485 millions d’euros, dont 60% sous forme d’appui budgétaire.
En réponse aux frustrations des Tunisiens, l’UE s’est limitée, dans son communiqué, à indiquer qu’elle «reconnaît les importants défis socio-économiques (disparités sociales et économiques entre les régions, chômage élevé des jeunes) et sécuritaires (terrorisme, radicalisation, crime organisé, trafics transnationaux) auxquels la Tunisie fait face et l’a assurée de son soutien croissant».
La quatrième et dernière raison serait l’indignation, cette fois-ci, de l’UE de voir la nouvelle équipe gouvernementale de Mehdi Jomaa consacrer ses premières visites à d’autres sites d’investissement tels que les pays du Golfe et les Etats-Unis, et occulter ainsi son partenaire privilégié, «le Vieux continent».
Le cumul de l’ensemble des ces facteurs semble justifier, en dépit des déclarations de bonne volonté de part et d’autre, le froid qui existe entre la Tunisie et l’UE, et surtout expliquer la décision du ministre tunisien des Affaires étrangères, Mongi Hamdi, de ne pas se déplacer à Bruxelles pour co-présider la 10ème session du Conseil d’Association et de charger cette mission son second, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Fayçal Gouia.
Affaire à suivre.