de New York le 22 avril 2014 (Photo : Timothy A. Clary ) |
[23/04/2014 20:51:25] New York (AFP) La main sur une machine à boutonnière, l’autre sur un pantalon anthracite, May s’assure que son point perlé est réussi. Son geste, calme et assuré, tranche avec l’effervescence du secteur textile new-yorkais dont la tragédie du Rana Plaza, il y a un an, a mis en avant les valeurs “responsables”.
“Un coup de massue”, “un signal d’alarme”, “un choc”: les images de l’effondrement d’un immeuble d’ateliers au Bangladesh, qui a causé la mort de 1.138 employés en avril 2013 sont au coeur d’un début de renaissance du secteur textile dont les origines se trouvant dans le Garment Center de New York, quartier emblématique de l’histoire du vêtement aux Etats-Unis.
“Comment est-ce qu’un tel événement a pu se produire en 2013?”, s’interroge encore Erica Wolf, qui dirige l’initiative Save the Garment Center. “Pour beaucoup, cela réveille ici les souvenirs de l’incendie de l’usine Triangle Shirtwaist” qui avait fait 146 morts en 1911 à New York.
Au-delà du monde des créateurs de mode, de grossistes, des ouvriers textiles ou des détaillants, les secousses du Rana Plaza ont été ressenties jusqu’au consommateur.
– Les consommateurs se sont réveillés –
“Les gens n’étaient jusque-là pas forcément au courant que des personnes souffraient en raison des choix de production de vêtements de grosses marques. Depuis que cela a explosé aux yeux de tous avec la tragédie du Rana Plaza, les clients se sont réveillés, ils savent, les marques aussi. A tous les échelons de la filière textile, on le ressent”, explique Bob Bland, une jeune New-Yorkaise.
Persuadée que l’adoption de pratiques responsables et éthiques, respectant à la fois les travailleurs et l’environnement, est le fer de lance du renouveau du secteur textile américain, elle a créé en 2012 “Manufacture New York”, un incubateur d’entreprises et une plate-forme de production textile.
“Nous nous sommes rendus compte que de nombreuses griffes revenaient (aux Etats-Unis) en réponse immédiate au drame du Rana Plaza et d’autres violations des droits de l’homme dans le secteur textile de par le monde”, souligne-t-elle. En parallèle, “nous avons noté un rebond de la demande de produits +Made in NYC+ (New York City) ces dernières années”.
Derrière elle, par-delà des tables couvertes de machines à coudre, de bobines de fil multicolores, de boutons… le quartier du Garment District bruisse d’activité.
“Dire que vous faites du +Made in New York+ est une autre façon de dire +production responsable+”, souligne Erica Wolf.
– Un sursaut du Made in NYC –
“Des clients qui ne m’avaient jamais posé de questions se sont mis soudainement à me demander: +Où faites-vous vos pulls? D’où viennent vos bobines de laine+”, s’étonne Victoria Waston, créatrice de Libretto, une ligne “pour dames de Country Club”. Et, “le fait que je fasse tout produire à New York”, dans deux usines du Queens, “est un gros avantage: le +Made in NYC+ est devenu un argument marketing très prestigieux”.
Bien qu’encore “anecdotique”, “on assiste à un petit sursaut dans l’activité” locale d’un secteur jusque-là en chute libre depuis les années 1960 et les premières délocalisations, explique aussi Barbara Blair Randall, du Garment District Alliance.
Alors, que les emplois liés à l’industrie de la mode ont chuté de presque 60% de 1995 à 2011, selon son organisation, une étude récente montre qu’il y avait 14% de fabricants de patrons et d’échantillons en plus en 2013 qu’en 2012, et 25% en plus de sous-traitants textiles spécialisés.
Sur les murs des ateliers de High Production, où travaille May, sont affichés en gros à l’entrée les droits des travailleurs textiles, salaire minimum de 8 dollars, paiement des heures supplémentaires et un numéro d’appel d’urgence.
“C’est un monde complètement différent (du Bangladesh) ici”, affirme Ida Law, du fabricant de vêtements High Production. “Nous traitons nos employés avec respect”.