La marge de manœuvre pour les dépenses de l’Etat devient de plus en plus “limitée” face à un faible volume du budget 2014. C’est ce qu’ont souligné, mercredi 23 avril, des experts, réunis à l’occasion d’une table ronde organisée par le parti Afek Tounes sur “la finance publique et les procédés nécessaires pour sortir de la crise”.
A cette occasion, ces experts ont estimé impératif d’introduire des réformes au niveau de la Caisse générale de compensation (CGC) et d’orienter la subvention vers les personnes “qui en ont réellement besoin”.
Selon eux, il est nécessaire d’opter pour l’intégration progressive de l’économie parallèle dans les circuits formels, admettant que l’économie informelle présente un potentiel financier énorme qui pourrait appuyer le budget de l’Etat.
Or, d’après le président d’Afek Tounes, Yassine Ibrahim, “l’administration tunisienne n’encourage pas l’intégration de l’économie parallèle dans le secteur formel”.
“Rien que pour l’obtention d’une autorisation pour l’exploitation d’une boulangerie, on doit passer par 116 procédés administratifs”, a-t-il dit pour attirer l’attention sur la complexité des procédures au sein de l’administration.
“C’est cette complexité des procédures administratives et aussi la lenteur du rythme de traitement des dossiers qui poussent certains promoteurs à sortir du formel et à opter pour l’informel”, dira le directeur général d’ABC Banking Corporation.
Revenant sur le dossier de la subvention, Walid Belhaj, président du Centre tunisien de l’intelligence et de veille économique à l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), a critiqué la politique de subvention adoptée en Tunisie, la qualifiant “d’immorale”, car elle “subventionne et favorise le gaspillage”, en ce sens qu’une grande partie de la subvention a été orientée vers les personnes qui n’en ont pas besoin.
L’ancien ministre de Finances, Jalloul Ayed, a fait savoir que le gouvernement provisoire actuel ne peut pas trancher, d’une façon définitive, dans le dossier de la subvention.
“Ce dossier nécessite une audace politique, attitude qui ne peut exister qu’avec un gouvernement élu pour un mandat précis et disposant d’un plan d’actions clair”, a-t-il expliqué.
Jalloul Ayed a pointé du doigt le gaspillage des produits de base subventionnés, accusant les cafés et les restaurants qui consomment de grandes quantités de pain, de sucre, de thé et de café. Il a, par ailleurs, appelé à prendre des mesures draconiennes dans ce domaine.
Sur autre registre, Jamel Belhaj, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a fait valoir qu’il n’est pas possible d’intervenir au niveau des salaires dans la conjoncture économique et financière actuelle. Pour lui, la seule solution réside dans la rationalisation de la subvention. Il a fait observer que les mesures attendues pour la compression des dépenses dans tous les ministères n’auront pas un grand impact sur la maîtrise des dépenses de l’Etat.
Pour preuve, la valeur des bons d’essence, par exemple, atteint 100 MDT contre 6,8 milliards de dinars réservés à la subvention dans le cadre du budget 2014.
S’agissant des finances publiques, Jalloul Ayed précisera que le budget de l’Etat est modeste (29 milliards de dinars) et que le gouvernement trouve des difficultés dans son exécution.
Il y a nécessité, d’après ses dires, d’impulser l’investissement privé, car il est le seul à pouvoir absorber le chômage en Tunisie.
De son côté, Jamel Belhaj a attiré l’attention sur le budget qui a été mis sous pression à cause de l’accroissement des dépenses et de la facture gonflée de subventions, passant de 1,5 milliard de dinars en 2010 à plus de 7 milliards de dinars prévus en 2014.
En ce qui concerne la dette, l’expert a mis en garde contre le risque d’atteindre l’apogée du remboursement des crédits extérieurs de la Tunisie. Le pays risque de passer de 4,6 milliards de dinars prévus pour cette année à près de 6 milliards de dinars en 2017, s’inquiète-t-il, soulignant l’impact que pourrait avoir ce volume sur les équilibres financiers de la Tunisie.
Il a également exprimé son appréhension quant à la composition de la dette, dont un taux de 60% est en devises, et ce qui en découlera comme risques de change en dollars et en euros.