à Sevran, en banlieue de Paris le 13 novembre 2012 (Photo : Fred Dufour) |
[24/04/2014 15:41:07] Paris (AFP) Ils payent davantage d’impôts et seront mis à contribution pour faire économiser 50 milliards d’euros à la France, mais ils sont priés de soutenir l’activité en consommant et en réduisant leur épargne: les réformes du gouvernement demandent beaucoup aux ménages français.
Dans le programme de stabilité présenté mercredi, le gouvernement table sur une dynamisation de la croissance économique (1% en 2014, 1,7% en 2015 puis 2,25% pendant deux ans) et espère “que l’accélération de la reprise sera portée par le retour de la confiance des ménages et des entreprises”.
Un “choc de confiance” plusieurs fois évoqué dans ce document prévisionnel soumis à l’approbation de la Commission européenne, mais qui ne concernera donc pas seulement les entreprises, lesquelles bénéficient de plus de 40 milliards d’allègements sociaux et fiscaux d’ici 2017.
Les ménages, pourtant beaucoup moins bien servis sur le papier par les mesures de redistribution (5 milliards d’allègements), y sont annoncés comme de retour dans les magasins pour dépenser non seulement un revenu qu’ils auraient retrouvé après une période de chômage mais aussi l’épargne dite “de précaution” qu’ils estimeraient désormais accessoire.
“Nous souffrons d’un problème de compétitivité beaucoup plus que d’un problème de demande intérieure”, a décrit mercredi devant la Commission des Finances le ministre des Finances Michel Sapin, affirmant ainsi clairement qu’un choix a été fait, peu favorable aux ménages même si beaucoup est attendu d’eux dans le soutien de l’activité.
La consommation des ménages est un moteur traditionnel de la croissance française. Mais ces dernières années, en raison de la crise, elle a subi un revers: +0,4% en moyenne par an entre 2007 et 2012. Mais comme elle n’a jamais complètement calé, même lorsque le pouvoir d’achat a reculé en 2012, le gouvernement perçoit les ménages comme un agent économique plus résilient.
– ‘la consommation, moteur de croissance’ –
C’est ce qui transparaît d’ailleurs dans les prévisions gouvernementales: après un terne +0,8% en 2014, la consommation est censée accélérer très fortement pour progresser de 1,6% en 2015 puis 2,3% en 2016-2017.
“La consommation des ménages constituerait l’autre moteur interne du retour de la croissance”, explique Bercy dans son texte budgétaire, prévoyant en parallèle “une accélération progressive” du pouvoir d’achat (+0,7% en 2014 et +1,3% en 2015)
Grâce, explique-t-on longuement, aux mesures de soutien du pacte de solidarité (réduction des cotisations salariales jusqu’à 1,3 SMIC, revalorisation pour les retraités au minimum vieillesse, geste fiscal pour les contribuables des toutes premières tranches) et à l’amélioration du marché de l’emploi permise par les allègements de cotisations patronales.
Pour Christopher Dembik, économiste de Saxobanque, le gouvernement “se fait des illusions” car “il est improbable que la consommation grimpe autant que prévu”, en tout cas pas aux niveaux annoncés pour 2016-2017.
Dans son avis publié mercredi, le Haut conseil des Finances publiques, organe indépendant chargé d’évaluer la crédibilité des prévisions du gouvernement, se montre également perplexe.
“Le net rebond de la la consommation des ménages en 2015 retenu dans le scénario du gouvernement repose sur une combinaison d’hypothèses favorables”, constate-t-il, estimant que les prévisions d’emplois du gouvernement sont “optimistes” et que “la masse salariale distribuée par les entreprises devrait progresser moins vite que prévu”.
Autre variable dans l’équation: le taux d’épargne. Le gouvernement prévoit qu’il diminue, c’est-à-dire que les ménages puisent dans l’argent qu’ils ont mis de côté en attendant des temps meilleurs pour consommer.
Mais “le taux d’épargne est désespérément stable” et élevé en France, rappelle Olivier Passet, de l’institut de recherches Xerfi.
Les spécialistes expliquent le phénomène à la fois par une culture financière très différente de celle des Anglo-Saxons par exemple, moins hostiles au risque là où les Français plébiscitent les placements dans la pierre et sur des livrets peu rémunérés, et par des raisons démographiques, les Français, avec leur natalité dynamique, mettant aussi de côté pour leurs enfants.
L’Insee a calculé que le patrimoine net accumulé par les ménages français pesait fin 2011 un peu plus de 10.300 milliards d’euros, ce qui équivaut à plus de huit années de leurs revenus. En zone euro, seuls les Allemands affichent un taux d’épargne plus élevé que les Français.
Finalement, conclut le Haut conseil des Finances publiques, le gouvernement met tous ses espoirs dans “une crédibilité forte de (sa) politique économique conduisant les agents à modifier leurs comportements dans la direction attendue”.