«Il faut que le gouvernement puisse prendre des décisions révolutionnaires pour redresser la barre de l’économie dans notre pays, pour ce faire, il doit être élu pour avoir la légitimité nécessaire qui lui permette de trancher quant à certaines grandes questions économiques».
C’est là l’une des déclarations de Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances sous le gouvernement BCE lors de la table ronde organisée par le parti Afek Tounes mercredi 23 avril et intitulé : «Les finances publiques, nous en sommes où réellement, comment surmonter l’enlisement?».
C’est parce que justement son gouvernement à lui et ceux qui lui ont succédé n’ont pas pris les bonnes décisions à temps que la Tunisie socio-économique souffre autant aujourd’hui. Se prévalant de leur “illégitimité“, ils ont fait du surplace laissant l’ensemble des fondamentaux économiques se dégrader brutalement.
M. Ayed devrait peut-être se concentrer sur la composition des symphonies et laisser d’autres exercer l’art de l’économie et de la politique car en la matière, s’il n’a pas compris que le provisoire tue surtout dans des sociétés comme les nôtres. Ne sait-il pas que, Administration comme acteurs privés observent des postures attentistes? Et ce n’est pas faute d’avoir couru après les uns et les autres ou d’avoir derrière lui toute une équipe de lobbying, on se demande d’ailleurs pourquoi? Espérons que Mehdi Jomaâ, chef du gouvernement actuel, ne suit pas le raisonnement de Jalloul Ayed et qu’il osera, et non uniquement par des déclarations fracassantes, prendre les décisions qui s’imposent pour le sauvetage du pays contre vents et marées, dans la logique de la continuité de l’Etat et non celle du provisoire et surtout en ignorant les vociférations de nombre de constituants dont l’ignorance, la dispute à l’arrogance au mépris de l’intérêt public…
«J’ai toujours considéré que ce qui se passait dans notre pays en matière de compensation était criminel», a déclaré Walid Belhaj Amor, DGA de Comet Engineering. Car la plupart de nos produits compensés sont énergétiques et agricoles. Leurs prix sont cotés à l’international et fluctuent au gré de la dynamique des marchés internationaux. Les montants des produits exportés subissent de fortes érosions à cause du glissement du dinar, et ceux importés subissent les aléas des hausses et baisses des cours internationaux ne prenant pas, bien évidemment, en compte les désagréments de pareilles vacillations sur les budgets alloués à ces produits des pays en développement aussi avisés soient-ils.
«Il faut être idiot pour ne pas se rendre compte que l’enveloppe de la compensation augmentera fatalement s’il n’y a pas de mécanisme de réduction. La Tunisie est en train de compenser le gaspillage et l’usage abusif et non rationnel des produits subventionnés. Nous n’avons jamais discuté de la manière la plus intelligente de dispenser les produits payés en grande partie par l’Etat. C’est un sujet tabou intégré dans le budget».
Conséquence : il n’y a pas d’investissements, de création de richesses ou d’emplois pour assurer le montant colossal alloué à la compensation. Pourtant, il fallait, depuis des décennies, œuvrer à définir les catégories socioprofessionnelles qui ont le plus besoin de compensation.
En France, a indiqué Yassine Brahim, président d’Afek Tounes, le fuel consommé par les taxis est compensé par l’Etat car ils sont considérés comme des acteurs du transport public.
Mais il ne s’agit pas bien entendu de compenser le fuel des Porsche Cayenne, Jaguar ou autres voitures de luxe, car lorsque l’on a les moyens de s’offrir des voitures à 15, 20 et 50 chevaux, on a automatiquement les moyens de remplir leurs réservoirs et non en argent du pauvre contribuable, s’il vous plait!
Aujourd’hui l’Etat tunisien est en train de dépenser un argent qu’il ne possède même pas. Pire, une grande partie de cet argent va vers la compensation et l’autre dans les salaires. Que nous reste-t-il alors pour créer des richesses?
Nous ne pouvons pas relancer l’économie par la consommation mais par l’investissement et le travail. «Cela fait trois ans que la Tunisie a oublié de travailler. Nous ne produisons plus de qualité, nous ne sommes plus compétitifs et non plus crédibles. Nous distribuons des richesses que nous ne possédons pas et que nous n’avons pas créées. La valeur travail doit être réhabilitée», clame Walid Belhaj Amor du haut de la tribune.
Oui mais comment? Lorsque les syndicats font des surenchères à qui mieux mieux en matière de préavis de grèves et d’arrêts de travail et se disputent les adhérents aux dépens de la productivité, la production et la compétitivité?
«C’est justement en acceptant le pluralisme syndical patronal et ouvrier, en facilitant les procédures administratives et les assouplissant au maximum, en éliminant un grand nombre d’entre elles et en encourageant l’initiative privée».
Il faudrait également lutter contre les distorsions dans l’économie, à commencer par les rentes y compris celles publiques: «Nous sommes dans l’incapacité de savoir quel est le coût d’un produit fourni par une entreprise publique et le même par une entreprise semi-publique ou privée».
Il est également grand temps de donner un grand coup de balais au secteur informel en intégrant ceux qui l’acceptent dans le circuit normal et en pénalisant les autres car, reconnaissons que notre administration a une grande capacité de rebuter les plus courageux: «Nous avons fait une petite enquête à l’Ariana, pour ouvrir une boulangerie, il faut au moins 216 procédures administratives», dénonce Yassine Brahim.
Autant dans ce cas vendre du pain sur le bord des routes… et garder son argent pour soi.
De source officieusement officielle, 100 milliards de dinars seraient le montant des liquidités qui se trouvent sur le marché tunisien, soit plus de trois fois le budget de l’Etat.
Comment récupérer cette manne financière dans l’intérêt de l’économie? Ce n’est certainement pas en laissant les riches en cash investir dans la pierre. Pour Abdelaziz Darghouth, entrepreneur, la solution est dans la mise en place d’une justice économique qui donne à tous la possibilité de créer de la valeur ajoutée. «Il faut libéraliser l’entrepreneuriat et mettre fin au banditisme économique en exigeant des individus qui opèrent dans l’informel -qui étaient tolérés par les gouvernements précédents depuis Ben Ali, pour des raisons politiques-, de blanchir leur argent à travers des bons de trésor de l’Etat et intégrer l’argent dans les circuits formels. La Tunisie est malade depuis longtemps. Le système de développement avait atteint ses limites. Les remèdes doivent être définitifs. Il faut oser les opérations chirurgicales douloureuses même s’il s’agit d’ablations».
Le gouvernement Jomaâ issu d’un consensus national qui devrait prévaloir d’une légitimité acquise pourrait-il déclencher une véritable guerre contre le terrorisme économique? Injecter du sang nouveau dans l’Administration en la dotant des meilleures compétences comme au Maroc. «Des compétences qui ont du sens et de la vision et une administration de qualité au service des citoyens. Il est aussi grand temps de développer le plus rapidement possible des PPP dans des organismes tels l’APII, l’APIA, le CEPEX, la BFPME et la BTS», estime Abdelaziz Dargouth.
Mais ce n’est pas en agissant en provisoire que le gouvernement actuel pourrait prendre pareilles décisions. A ce jour, aucune décision économique de grande envergure n’a été prise, alors de grâce monsieur le chef du gouvernement, agissez car la Tunisie ne pourra plus supporter le surplace!