Alstom-GE : pour les économistes, la marge de manoeuvre de l’Etat est mince

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à Brignais, près de Lyon, le 22 avril 2014 (Photo : Philippe Desmazes)

[27/04/2014 18:10:08] Paris (AFP) Le gouvernement français a bien peu de marges de manoeuvre face à l’Américain General Electric qui pourrait racheter une partie de l’activité du Français Alstom, selon des économistes, sauf à trouver une solution qui ait davantage de sens économique, mais il a besoin de temps.

“Compte tenu des enjeux stratégiques pour l’industrie et l’économie française, le gouvernement n’acceptera pas qu’une décision soit prise, quelle qu’elle soit, dans la précipitation et sans l’instruction conjointe avec les intérêts de la nation, des choix alternatifs”, a assuré dimanche Arnaud Montebourg, le ministre de l’économie.

Que peut faire l’Etat, qui n’est plus actionnaire du fleuron industriel hexagonal depuis 2006, face à un groupe américain qui réalise près de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an et à la trésorerie pléthorique, intéressé par une entreprise française cinq fois plus petite et en difficulté ?

“La seule pression possible pour l’Etat est verbale”, estime l’économiste Nicolas Bouzou du cabinet Astéres. “La position de fond de l’Etat est légitime”, explique-t-il, comprenant que le gouvernement souhaite protéger une telle entreprise, présente sur les secteurs statégiques du transport et de l’énergie.

“Mais attention”, prévient-il. “Est-ce que la méthode qui consiste à crier plus fort est la bonne ? Je ne crois pas”.

“On prend à partie l’opinion publique pour montrer qu’on agit, mais ça ne sert à rien”, juge M. Bouzou.

“Mieux vaudrait de la diplomatie souterraine”, ajoute l’économiste qui craint que la stratégie du ministre de l’Economie et du Redressement productif n’ait “un effet contraire”.

Selon M. Bouzou, l’intervention dans le dossier SFR de M. Montebourg, qui a soutenu la candidature de Bouygues face à celle de Numericable pour le rachat de cette filiale de Vivendi, a non seulement échoué, mais elle a même conduit Vivendi à “accélerer les discussions avec Numericable”.

– “Marketing” –

“L’Etat ne peut rien faire”, confirme Marc Touati du cabinet ACDEFI et les déclarations de M. Montebourg relèvent du “marketing”, de déclarations “pour sauver la face”, alors qu’un fleuron de l’industrie française pourrait être racheté en grande partie par un groupe américain, estime-t-il.

La seule solution serait de “piloter une contre-offre”. Mais l’Etat, “surrendetté”, ne peut pas recapitaliser Alstom. Il a donc besoin de partenaires et devra surtout établir une offre qui “économiquement ait du sens”.

Car, un rapprochement avec GE, lui, “a du sens”, souligne-t-il.

En outre, GE est un grand groupe mondial, qui réalise près de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires, “ce n’est pas un investisseur qatari ou un fonds chinois qu’on ne connait pas” et dont le projet industriel serait incertain.

En outre, les activités de GE et d’Alstom dans l’énergie sont complémentaires, selon les analystes. Ce qui n’est pas le cas avec Siemens, soulignent-ils, avec lequel les doublons semblent plus nombreux.

L’économiste estime que les interventions du gouvernement dans ce dossier visent à “gagner du temps” pour permettre de monter une offre alternative.

Et l’économiste de pointer du doigt “la schizophrénie du gouvernement, qui veut attirer les investisseurs étrangers en France, mais qui bloque les discussions quand ils approchent”.

Cette nouvelle intervention risque “de nuire à l’image de la France auprès des investisseurs étrangers”, prévient M. Touati.

Selon Marc Touati, le problème de fond est que “la crise a dévalorisé les industries françaises” et certaines sont devenues des proies. “L’économie française n’est pas assez compétitive” pour y échapper, estime-t-il.

Pour Nicolas Bouzou, ce dossier soulève une autre “question de fond” : “celle de l’attractivité de la France pour les sièges sociaux des grandes entreprises”. “On assiste à une accélération des dépaysements de sièges de sociétés depuis un an, s’inquiète-t-il, citant le cas de Lafarge qui devrait partir en Suisse après son mariage avec Holcim, ou le rapprochement Publicis-Omnicom dont le siège sera aux Pays-Bas pour les plus récents.