ée par la police, le 28 avril 2014 après la reprise du travail au terme de deux semaines de grève (Photo : Mark Ralston) |
[28/04/2014 11:55:58] Dongguan (Chine) (AFP) Dans une usine géante de chaussures, des dizaines de milliers d’employés chinois en grève depuis deux semaines ont repris le travail sans avoir vu leurs principales demandes satisfaites et dénoncent des man?uvres d’intimidation de la part des autorités.
Alors que Pékin n’autorise qu’une organisation syndicale unique affiliée au Parti communiste, ce mouvement de grève d’une ampleur inédite depuis des années a paralysé à partir de la mi-avril un site du groupe Yue Yuen, à Dongguan dans le sud de la Chine.
Société à capitaux taïwanais, Yue Yuen se déclare premier producteur mondial de chaussures de sport, avec 300 millions de paires chaque année. Son immense usine de Dongguan est l’un des plus grosses du secteur, avec quelque 45.000 employés, en majorité des femmes.
Ces derniers se plaignaient du niveau de leurs salaires, de contrats d’embauche lacunaires et de carences dans leur couverture sociale.
Après enquête, les autorités ont donné pour instruction à la direction de l’usine, qui produit notamment des chaussures pour Nike et Adidas, de “rectifier selon la loi” les versements à effectuer.
Tout en affichant sa fermeté face aux grévistes: “La police a arrêté une soixantaine d’employés dans les ateliers”, a indiqué à l’AFP une ouvrière sous couvert d’anonymat, dénonçant “le contrôle de la police”.
à Dongguan dans le sud de la Chine, le 28 avril 2014 (Photo : Mark Ralston) |
Environ 80% des employés de l’usine avaient repris le travail lundi. “Les ouvriers n’ont pas obtenu gain de cause, et maintenant le gouvernement nous force à revenir à nos postes”, déplore un agent d’entretien de 45 ans, nommé Li.
La direction de l’usine et le groupe Yue Yuen n’étaient pas joignables lundi.
-“On ne demande rien d’extravagant”-
Le droit chinois, qui oblige les employeurs à cotiser chaque mois pour les assurances santé et retraite des employés, demeure peu respecté.
“Si vous n’avez pas de sécurité sociale, alors toute une vie de labeur ne vous servira absolument à rien” à l’heure de la retraite, a observé M. Li, originaire comme beaucoup d’une région rurale défavorisée.
Ce sont d’ailleurs les employés approchant de l’âge légal de la retraite –60 ans pour les hommes et 50 ans pour les femmes– qui ont pris la tête de la grève de Dongguan.
“Nos requêtes n’ont rien d’extravagant. Nous demandons simplement que soient effectués les paiements pour notre sécurité sociale et nos loyers”, explique M. Wang, employé d’âge moyen, gagnant 2.800 yuans (328 euros) par mois.
ève de deux semaines (Photo : Mark Ralston) |
L’usine a accepté de verser une prime de 230 yuans par mois à chaque employé, et Yue Yuen s’est engagé à “compenser” les retards de versements des indemnités de sécurité sociale, tout en indiquant que “ces contributions ne pouvait pas être quantifiées pour le moment”.
Sans convaincre: “On ne nous a pas promis le versement de toutes nos prestations sociales en retard. On a seulement obtenu une petite victoire, en obtenant une prime”, a soupiré M. Wang.
Les autorités affichent d’avantage de sympathie pour certaines revendications d’employés –surtout dans les entreprises étrangères–, mais leur tolérance à des limites. Zhang Zhiru, activiste réputé de l’ONG Chunfeng Labour Justice Service Department, a ainsi récemment été détenu pendant quatre jours.
“Les policiers m’ont enjoint de ne plus communiquer avec les ouvriers” de Dongguan, a-t-il indiqué à l’AFP, précisant que son collègue Lin Dong, lui, restait toujours sous les verrous.
-“La carotte et le bâton”-
Le gouvernement local “a exercé une forte pression sur les travailleurs pour qu’ils mettent un terme à leur grève”, a indiqué Geoffrey Crothall, porte-parole à Hong Kong du China Labour Bulletin, une organisation indépendante.
Selon lui, au premier trimestre 2014, les conflits du travail ont bondi de 30% en Chine par rapport à 2013, en raison des pénuries de main d’oeuvre, qui placent les employés en position de force, et d’un usage accru des réseaux sociaux pour mobiliser les travailleurs.
“Les autorités parfois tentent de temporiser, parfois emploient la manière forte: la carotte et le bâton. Une fois que l’entreprise a fait quelques concessions, on fait pression sur les employés pour reprendre le travail”, explique M. Crothall.
“Les responsables de l’usine nous ont avertis que ceux qui continueraient à +faire du désordre+ seraient virés sans indemnité”, confie, résignée, une jeune fille de 17 ans, Tan, croisée dans un café près de l’entrée de l’usine.
Selon elle, la crainte de perdre son emploi l’a emporté: “La grève a échoué. Nous n’avons pas obtenu ce que nous désirions”.