Etats-Unis : débat sur le droit de la police à fouiller les portables

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éléphone (Photo : Kenzo Tribouillard)

[29/04/2014 11:12:15] Washington (AFP) La Cour suprême américaine se demande mardi si la police peut, sans mandat, saisir et fouiller les téléphones portables des suspects arrêtés aux Etats-Unis.

L’affaire n’est pas anodine, quand plus de 90% des Américains possèdent un téléphone portable et douze millions d’arrestations ont lieu chaque année dans le pays, souvent pour un motif mineur.

Le 4e Amendement de la Constitution protège les Américains de toute “saisie et fouille injustifiées”, autrement dit la police doit au préalable obtenir un mandat de la justice, sauf lorsque la vie d’un policier est en danger et qu’il faut agir vite.

Les neuf juges de la plus haute juridiction du pays doivent dire si les principes de ce 4e Amendement s’appliquent aux téléphones portables, susceptibles de contenir une multitude d’informations à caractère privé.

Ils se penchent mardi sur le cas de deux hommes, dont les données obtenues sans autorisation sur leurs téléphones lors d’une arrestation de routine ont conduit à leur condamnation par la justice.

Dans la première affaire, David Riley, un étudiant californien, avait été arrêté en 2009 près de San Diego pour des plaques d’immatriculation non conformes. Des armes ont été trouvées dans sa voiture puis les vidéos et les photos de son smartphone avaient permis de le lier à un gang californien, d’établir que ses armes avaient servi lors d’un récent règlement de compte et qu’il conduisait un véhicule volé. Sa condamnation a été confirmée en appel.

Dans la deuxième affaire, Brima Wurie, a été reconnu coupable de possession et distribution de cocaïne mais une partie de sa peine a été effacée car elle était, selon lui, “le fruit d’une fouille inconstitutionnelle”. Ses deux téléphones portables avaient été saisis lors de son arrestation en 2007 dans le Massachusetts. Sa liste de contacts et les appels passés avaient permis aux policiers de trouver une cache de drogue, d’argent liquide, d’armes et de munitions à son appartement près de Boston.

En face, le gouvernement, tout comme la Californie, estiment que “dans le monde d’aujourd’hui, les téléphones portables ont toutes les chances de contenir des preuves d’une activité illégale et d’aider les forces de l’ordre à identifier les suspects qu’elles ont appréhendés”, selon l’argumentaire du ministère de la Justice.

– ‘Affront’ pour la vie privée –

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ême des Etats-Unis, le 22 avril 2014 à Washington (Photo : Alex Wong)

Mais cette double affaire, l’une des toutes dernières que la haute Cour entendra cette année, sa session s’achevant mercredi, émeut nombre de médias et d’organisations de défense des libertés soucieuses de protéger la vie privée des Américains.

“Autoriser la police à fouiller le contenu d’un téléphone portable sans avoir obtenu de mandat serait un affront à la longue histoire de protection des droits de la vie privée en Amérique”, a estimé Norman Reimer, directeur de l’Association nationale des avocats de la défense pénale (NACDL).

“La Cour doit reconnaître que les nouvelles technologies n’altèrent pas les principes du 4e Amendement”, plaide le New York Times dans un éditorial. “Permettre aux policiers de fouiller un téléphone mobile ou tout instrument de stockage, leur donne virtuellement accès à la vie toute entière d’une personne”, ajoute le quotidien, estimant que le 4e Amendement perdrait ainsi tout son sens.

Les juges de la haute Cour ont déjà jugé que les nouvelles technologies ne remettaient pas en cause cet Amendement, en décrétant, en janvier 2012, que la police ne pouvait faire usage d’un GPS pour traquer et confondre un suspect.

Cette fois encore, l’attention se portera sur le débat entre les protagonistes d’une lecture moderne de la Constitution et les juges qui préfèrent lire à la lettre le texte des pères fondateurs. Réponse avant fin juin.