à Washington (Photo : Mandel Ngan) |
[01/05/2014 17:42:53] Washington (AFP) Le FMI a admis jeudi qu’il devrait “remanier” son plan d’aide à l’Ukraine en cas de scission de l’Est du pays, révélant la “forte incertitude” entourant son programme d’assistance financière.
Moins de 24 heures après avoir promis 17 milliards de dollars de prêts à Kiev sur deux ans, le Fonds monétaire international a dû se rendre à l’évidence: l’instabilité politique pourrait fortement contrarier ses plans de redressement de l’ex-république soviétique.
“Si le gouvernement central perd le contrôle effectif de l’Est (du pays, ndlr), le programme devra être remanié”, a admis le Fonds dans le rapport détaillant son programme d’assistance financière à l’Ukraine.
Dans une telle hypothèse, un soutien financier additionnel pourrait s’avérer “nécessaire”, juge le Fonds alors que la communauté internationale s’est déjà, au total, engagée à apporter 27 milliards de dollars pour éviter l?asphyxie financière du pays.
L’Ukraine a déjà perdu la région de la Crimée en mars au profit de la Russie mais son importance économique (3,7% du produit intérieur brut) est sans commune mesure avec celle des provinces de l’Est du pays, où les mouvements séparatistes intensifiaient leur pression jeudi.
Selon le rapport du FMI, les provinces de l’Est (Donestk, Lougansk, Kharkiv) représentent plus de 21% du PIB ukrainien et 30% de sa production industrielle.
“Le conflit (dans ces provinces) pourrait affaiblir les recettes budgétaires et grandement endommager les perspectives d’investissement”, écrit le Fonds, ajoutant que ses prévisions économiques et budgétaires pourraient s’en trouver fortement chamboulées.
Pour l’heure, le FMI prévoit déjà une récession de 5% de l’économie ukrainienne cette année et une flambée de la dette publique, à 56,5% du PIB contre 40,9% l’année dernière.
– Risque de “choc économique” –
Plus généralement, une escalade des tensions avec la Russie pourrait fortement obscurcir les perspectives du pays alors que Moscou réclame déjà à Kiev le règlement de plusieurs milliards de dollars de factures de gaz.
Ukraine, le 1er mai 2014 (Photo : Sergey Bobok) |
“Il y a un risque que les frictions avec la Russie liées à la politique, au commerce et au gaz ne mènent à une forte dégradation des relations économiques entre les deux pays”, note le FMI, ajoutant que cela se traduirait probablement par une “récession plus longue et plus profonde” en Ukraine.
Le rapport insiste par ailleurs sur la profondeur des liens entre les deux pays, soulignant que le quart des exportations ukrainiennes partent vers la Russie, d’où proviennent 30% de ses importations.
“Les tensions avec la Russie, si elles ne s’apaisent pas rapidement (…) pourraient conduire à un choc économique plus faible mais comparable par nature à celui qui a suivi la transition” du pays hors de l’orbite soviétique dans les années 1990, rappelle le rapport, craignant même que le pays soit “dévasté”.
Les tensions géopolitiques ne sont toutefois pas la seule préoccupation du FMI. Le rapport pointe également les risques que la prochaine élection présidentielle fin mai ne sape la détermination des autorités à appliquer les réformes exigées en contrepartie de l’aide du FMI.
“Traditionnellement, les risques liés à l’application des mesures ont été importants en Ukraine et ce problème pourrait ressurgir à l’occasion de la prochaine élection présidentielle”, note le Fonds.
Selon le rapport, un nouveau gouvernement ukrainien pourrait ainsi être tenté de “rouvrir” les discussions sur des éléments-clés du programme qui prévoit notamment une hausse des prix de l’énergie.
Le Fonds se montre d’autant plus prudent que deux précédentes lignes de crédit accordées à l’Ukraine, en 2008 et 2010, avaient été rapidement abandonnées face aux résistances des autorités en place.
Les doutes du Fonds font par ailleurs écho à ceux soulevés par certains de ses Etats-membres. Le représentant du Brésil et de dix autres pays au FMI, Paulo Nogueira Batista, craint ainsi que l’institution ne porte “une part excessive du fardeau” en Ukraine alors que les risques sont “sans précédent”.
“Compte tenu des troubles dans l’Est du pays, la viabilité du programme dépend du fort soutien d’autres donateurs bilatéraux”, a estimé M. Nogueira dans une note transmise à l’AFP, précisant qu’il s’exprimait à titre personnel.