A Paris, le théatre excite la convoitise des industriels

e87ccbf63db7c7e8faff423e6a33c6a04fa9efa1.jpg
çade du music-hall des Folies Bergères à Paris (Photo : Loic Venance)

[02/05/2014 18:53:13] Paris (AFP) Une partie de Monopoly est engagée dans le théâtre privé parisien, avec le rachat de salles historiques par de nouveaux venus, comme le spécialiste de la vente sur internet vente-privee.com qui a acquis mercredi une deuxième salle à Paris, le Théâtre de la Michodière, après le Théâtre de Paris il y a deux ans.

“La profession a dû se demander ce que Granjon venait faire dans le théâtre”, s’amuse Jacques-Antoine Granjon, le pdg de vente-privee. “Notre stratégie à nous c’est de promouvoir des événements, en envoyant des mails à notre base de membres. 3,5 millions de personnes viennent chaque jour voir nos offres, dont des places de spectacle. On est le plus gros vendeur de places de spectacles en France”, revendique-t-il.

Le pdg de vente-privee.com. parle “intégration verticale” (“je vends, je produis et je distribue dans mes salles”), démarche marketing … Un langage devenu familier dans le théâtre privé, où les grands groupes industriels ont fait irruption il y a plusieurs années.

56130b2de1653b32408578f70b71916a53b3582c.jpg
éresse à la gestion de la salle Pleyel qui doit être concédée bientôt au privé (Photo : Loic Venance)

Le groupe Lagardère vient de racheter le Casino de Paris, après les Folies-Bergère, et s’intéresse, comme M. Granjon, à la gestion de la Salle Pleyel qui doit être concédée bientôt au privé pour y faire de la variété.

Le Théâtre Marigny, actuellement fermé pour travaux, est détenu par le groupe Pinault avec Vinci. Fimalac, le holding dirigé par Marc Ladreit de Lacharrière, a acheté début 2013 le théâtre Comédia et affiche ses ambitions dans le domaine de “l’entertainment”. Sur les grands boulevards, c’est un entrepreneur du bâtiment dans le Bordelais, Jean-Manuel Bajen, qui a racheté à Jean-Paul Belmondo le Théâtre des Variétés en 2004.

Leur point commun: avoir accumulé la petite fortune nécessaire au rachat et à la gestion d’un théâtre parisien. “C’est une vraie aventure dangereuse pour un particulier qui n’a pas de fortune personnelle, de mettre le prix de trois appartements de luxe parisiens pour acheter un théâtre”, commente Bernard Murat, président du Syndicat national des directeurs et tourneurs de théâtre privé et directeur du Théâtre Edouard VII.

“Depuis six ou sept ans, les gros groupes commencent à s’intéresser au théâtre, le danger serait dans une trop grande concentration, pour nous, le théâtre doit rester un artisanat, dirigé par des professionnels”, souligne-t-il.

Jean-Marc Dumontet, qui a fait fortune en fabriquant des pin’s et a racheté depuis 2006 quatre théâtres (Point Virgule, Bobino, Théâtre Antoine avec Laurent Ruquier, Grand Point Virgule) défend lui aussi “l’artisanat”. “Je suis entré dans le théâtre parce que j’avais de vrais projets, et que j’avais besoin de salles pour les montrer”, assure-t-il.

– ‘D’un extrême à l’autre’ –

326b590cef3c714d7a4035b2b8436e74b5aa53ab.jpg
érieur de la Salle Pleyel à Paris, le 14 mars 2012 (Photo : Pierre Verdy)

“Il y a un jeu de Monopoly aujourd’hui qui m’inquiète un peu, tous ces nouveaux entrants n’arrivent pas pour les bonnes raisons”, estime-t-il. “Ce sont des coups de communication, quand vous achetez un théâtre, vous avez la Une de tous les journaux! Mais si vous n’avez pas les bons spectacles, ça ne marchera pas”.

“On passe d’un extrême à l’autre”, ajoute-t-il: “avant on n’avait que des gens du théâtre et maintenant on n’a que des industriels. Il faut un compromis, il faut à la fois avoir la fibre artistique et aussi être gestionnaire, savoir faire du commerce.”

Bernard Murat craint particulièrement l’appétit des grands groupes pour les grosses salles, qui pourraient changer d’affectation, évoluer du théâtre vers la variété, plus rentable. Il cite l’exemple de New York, où 80% des théâtres font aujourd’hui du Music Hall et où le nombre de salles diminue.

Jacques-Antoine Granjon ne cache pas être “venu au théâtre parce que ce sont des salles et qu’on peut y faire plein de choses”: du théâtre, mais aussi des concerts, des événements privés … l’an dernier, le Théâtre de Paris a accueilli un des concerts anniversaire des 70 ans de Johnny, et va bientôt donner un festival de musique, le “lalala unplugged festival”.