A l’occasion de la célébration par la Tunisie de la Journée mondiale de la liberté de la presse, la polémique sur la publication par la HAICA des cahiers des charges de l’audiovisuel refait surface. Les membres du STDM (Syndicat des Dirigeants des Médias) étaient, le 30 avril 2014, au Palais de Carthage.
Radioscopie de deux textes que le STDM refuse.
Les membres du STDM (Syndicat des dirigeants des médias) étaient, le 30 avril 2014, au Palais de Carthage pour dire leur refus des cahiers des charges relatifs à la création de chaînes de radio ou de télévision. On sait que ce syndicat a lancé une cabale contre ce texte défendu par la HAICA (Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle) début mars 2014.
Pour le STDM, on ne pouvait mieux rappeler au bon souvenir de tous la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse qui tombe le 3 mai de chaque année. Et qui a, aujourd’hui, en Tunisie, un parfum particulier avec les avancées réalisées depuis l’arrivée de la révolution tunisienne.
Revenons donc à ces cahiers des charges qui constituent, à n’en point douter, l’événement qui a marqué toute l’année qui sépare le 3 mai 2013 du 3 mai 2014. A quoi sert en effet un anniversaire sinon à mesurer le chemin parcouru entre deux anniversaires?
Et de ce côté des choses, personne ne peut encore nier que ces cahiers des charges font polémique. Depuis que, notamment, il a été publié au Journal officiel (8 avril 2014). Une manière de dire qu’il sera bel et bien appliqué. Même si le patron de la HAICA, Nouri Lejmi, dira, le 25 avril 2014, qu’ils pourraient être modifiés, au cours d’une «conférence nationale».
Les membres du STDM –ils ne sont pas les seuls à être contre les cahiers des charges- disent que les documents «anticonstitutionnels» et qu’ils représentent un danger pour «les entreprises médiatiques et leurs employés» (dixit le communiqué du STDM du 11 avril 2014).
Du dit et du non dit
Mais qu’est-ce qui gêne autant les chaînes radio et télé qui occupent actuellement la scène audiovisuelle et celles qui devraient émettre à l’avenir? A ce niveau, assurent de nombreux observateurs, le dossier est complexe. Dans la mesure où s’il est vrai qu’il y a beaucoup de dit, il y a également du non dit.
Ainsi, on reproche aux cahiers des charges, par exemple, d’interdire à un candidat à une licence radio et télé d’appartenir à un parti politique (art. 9 du cahier des charges relatif au lancement d’une télévision, de loin le plus critiqué), ce qui est un droit constitutionnel. On lui reproche d’interdire, par ailleurs, l’exploitation de plus d’une chaîne de télévision (art.7). Idem concernant les écrans publicitaires: pas plus que 8 minutes par heure et 12 minutes au cours du mois du Ramadan (art. 49).
Les textes sont estimés, en outre, «coercitifs», car imposant aux initiateurs de projets audiovisuels des contraintes qui ne le sont pas dans d’autres secteurs au niveau, par exemple, de la transparence financière ou encore de la gestion courante et de la programmation. Sans parler de la participation du capital étranger. Avec en prime un pouvoir jugé, par certains, «despotique» pouvant aller jusqu’à la cessation de l’activité autorisée du reste pour «seulement» sept ans; la licence pouvant être certes renouvelée. Un non-sens pour certains concernant une activité fortement capitalistique exigeant un «fort droit d’entrée». Pas moins d’un milliard et demi de nos millimes pour une télévision et 600.000 dinars pour une radio.
Et si la transparence était le nœud du problème…
En fait, s’il y a beaucoup de vrai dans ces revendications, on ne peut cacher cependant que des dirigeants de médias ne sont pas prêts à jouer le jeu de la transparence et refusent de se plier à des obligations telles que celles concernant la programmation de programmes partisans et la diffusion de publicité politique (voir notamment l’article 53).
Ceux qui défendent cette thèse apportent deux arguments: primo, il s’agit là d’une source de financement qui peut s’avérer importante, notamment en cette période de transition; secundo, des chaînes de télévision existant déjà sont dirigées par des chefs de partis politiques.
Des règles de conduite spécifiques
La HAICA est-elle dans son tort? Pas tout à fait. Dans la mesure où l’exploitation d’un service audiovisuel impose des règles de conduite spécifique à un secteur que l’on estime exercer un pouvoir sur l’opinion publique. Et qui ne peut répondre aux seules lois du marché. Il suffit de regarder du côté de la législation des chaînes de radio ou de télévision dans de nombreux pays (France, Belgique, Maroc…) pour trouver des dispositions comparables à celles contenues dans les cahiers des charges publiés par la HAICA.
Ainsi, la loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle au Maroc interdit, par exemple, dans son article 9 «de faire l’apologie et servir les intérêts et la cause exclusifs des groupes d’intérêts politiques, ethniques, économiques, financiers ou idéologiques». L’article 21de la même loi dit, par ailleurs, qu’«un opérateur de communication audiovisuelle déjà titulaire d’une licence, ou une personne physique ou morale en faisant partie, agissant seul ou de concert avec d’autres actionnaires, ne peut détenir le contrôle d’un autre opérateur titulaire d’une licence ayant le même objet social».
A ce propos, des juristes estiment que la démarche qui a amené à la mise en place d’un cadre pour la libéralisation du secteur audiovisuelle pouvait être autre. Pourquoi ne pas avoir promulgué comme en France ou au Maroc une loi sur l’audiovisuel? Celle-ci comporterait de nombreux aspects introduits dans les cahiers des charges tunisiens, stipulant que des cahiers des charges ou conventions sont à conclure entre la HAICA et les chaînes.