La Libye est devenue une véritable poudrière. Ce pays est le théâtre quasi-quotidien de violences et d’enlèvements visant aussi bien des Libyens que des étrangers. Il réunit, désormais, tous les ingrédients d’un pays hors-la-loi, ingrédients qui justifieraient, à plus d’un titre, une nouvelle attaque multilatérale contre les milices qui sévissent dans le pays.
Si rien n’est fait, ces bandes armées, composées de trafiquants de tous bords, de contrebandiers et d’autres djihadistes mercenaires, risquent de déstabiliser toute l’Afrique du Nord, particulièrement les pays voisins: Egypte, Tunisie, Niger, Algérie, et par ricochet, les pays du nord de la méditerranée.
Le point de la situation.
D’abord l’état des lieux
La Libye d’aujourd’hui n’est plus la Libye unie d’hier. Actuellement, il n’y a personne en Libye qui puisse jouer un rôle central militaire. Conséquence, le pays est à la dérive, voire au bord de l’implosion.
Concrètement, le pays est coupé en six zones militaires (Djebel Nefoussa, Zentan, Barqa, Misrata, le Sud, Tripoli). Ces nouveaux bantoustans sont aux mains de milices armées jusqu’aux dents.
A l’ouest, les Amazighs font la loi. A l’est, les fédéralistes bloquent les sites pétroliers. Mention spéciale pour Misrata qui est un véritable Etat dans l’Etat. Quant au sud, il est le théâtre de conflits tribaux.
L’élément le plus inquiétant est manifestement la concentration dans ce pays d’islamistes djihadistes originaires de pays voisins (Tunisie, Egypte, Algérie, Mali….). Des experts sécuritaires tunisiens parlent de préparatifs djihadistes de grande envergure pour envahir la Tunisie.
Paradoxalement, ces bandes armées seraient payées par le gouvernement libyen qui leur a demandé, au lendemain de la révolte de 2011 et après la dissolution de l’armée et de la fonction publique, d’assurer la sécurité des villes.
Au plan économique, la situation est chaotique. Signe de ce chaos régnant, l’effondrement des exportations pétrolières. D’un million et demi de barils/jour en 2011, elles sont passées à 235.000 barils, selon la compagnie d’Etat, la NOC.
L’OTAN toujours attentiste
L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui était intervenue en 2011 sous prétexte de secourir les civils de Benghazi menacés d’extermination par le dictateur Kadhafi, n’a pas prévu d’alternative gérable et n’a fait que créer un climat chaotique. Néanmoins, il ne peut se désintéresser d’une situation à laquelle il a, à tort ou à raison, largement contribué, et ce au moins moralement.
Tout indique que l’OTAN, consciente de la situation et des menaces que fait peser ce nouveau foyer du terrorisme international sur toute la zone d’Afrique du Nord, attend le bon moment pour intervenir. Le scénario du dépeçage total de la Libye, à l’instar de celui qu’a connu l’Irak, n’est pas exclu.
Est-il besoin de rappeler que l’OTAN est déjà présente en Libye. Les services secrets -officiers, forces spéciales et commandos- des pays de l’OTAN opèrent en Libye et scrutent de près l’évolution de la situation.
A noter également que les navires de la 6ème flotte américaine croisent, toujours, au large de la Libye, avec Navy Seals et hélicoptères d’assaut.
Et pour ne rien oublier, la Libye est toujours soumise aux deux résolutions de l’ONU de 2011. La première, connue sous le code “Unified Protector“ met en place un embargo sur les armes à destination de la Libye et bloque entre autres les avoirs du régime en place à l’époque. La seconde instaure une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire du pays et permet de «prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger les populations civiles».
Quant à l’ONU, elle a pris les devants et alerté la communauté internationale de la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Dans un récent rapport, Tarek Mitri, représentant spécial du secrétaire général et chef de la Mission d’appui de l’ONU (MANUL), «s’inquiète de la violence accrue en Libye et d’un processus politique paralysé» et en a prévenu le Conseil de sécurité.
La Tunisie doit se préparer à tous les scénarios
La Tunisie, pays concerné au plus haut niveau par toute évolution de la situation en Libye, doit faire preuve d’extrême vigilance et se préparer, comme il se doit, à tous les scénarios. Elle peut, a priori, se réjouir d’attaques chirurgicales qui cibleraient les essaims de terroristes d’Al-Qaïda et dérivés, mais, en même temps, elle doit se méfier de leurs effets collatéraux.
Car, ces attaques seront, comme c’était le cas des bombardements français au Mali, de véritables coups dans des fourmilières pouvant provoquer la migration des djihadistes vers les frontières les plus proches. La Tunisie a intérêt à arrêter dès maintenant des stratégies tendant à contrer d’éventuelles “bêtes blessées“, voire d’éventuelles marabuntas qui pourraient avoir, par instinct de survie, l’idée de migrer vers notre pays.
A cette fin, la coopération avec un pays frère comme l’Algérie d’abord et le monde occidental ensuite serait plus que souhaitable..