éricain (Photo : Boris Horvat, Andrew Yates) |
[06/05/2014 11:24:49] Londres (AFP) Plus gros rachat de l’histoire britannique s’il se concrétisait, l’offre de Pfizer sur AstraZeneca agite le débat politique en Grande-Bretagne, le Premier ministre David Cameron étant accusé de faire le jeu de l’américain.
“David Cameron est totalement à côté de la plaque dans cette histoire. Il est devenu une majorette supportant le rachat par Pfizer alors qu’il devrait défendre un agenda à long terme pour des emplois qualifiés dans ce pays comme ceux d’AstraZeneca” qui compte environ 7.000 salariés en Grande-Bretagne, a attaqué dimanche le dirigeant de l’opposition travailliste, Ed Miliband.
“Voulons-nous qu’un joyau de la couronne de l’industrie britannique (…) soit juste l’instrument d’un jeu d’optimisation fiscale” de la part de Pfizer ?, a renchéri le responsable des questions économiques au sein du parti, Chuka Umunna.
Selon le Financial Times de mardi, les dirigeants d’AstraZeneca eux-mêmes auraient demandé à M. Cameron de rester neutre dans cette affaire.
Si le groupe a confirmé une conversation vendredi entre son président Leif Johansson et le premier ministre conservateur, il refuse de donner le moindre détail sur la teneur de leurs échanges.
Le gouvernement est accusé d’avoir commencé à discuter avec Pfizer dans le dos d’AstraZeneca, faisant, selon les critiques, le jeu de l’américain en donnant du crédit à son projet de rachat alors qu’il n’a encore déposé aucune offre formelle.
AstraZeneca refuse catégoriquement de céder aux avances de Pfizer et a rejeté vendredi une nouvelle proposition de rachat à 106 milliards de dollars après avoir déjà dit non en janvier à une offre de près de 99 milliards. L’américain a jusqu’au 26 mai pour convaincre sa proie, lancer une offre hostile ou jeter l’éponge.
Face aux critiques, David Cameron a rétorqué que son “boulot était de protéger les intérêts du Royaume-Uni”.
“Je veux voir de bons emplois dans ces secteurs ici en Grande-Bretagne. C’est pourquoi nous avons cherché et reçu de solides assurances de la part de Pfizer si une opération se concrétisait”, s’est-il justifié.
“Hostilité catégorique, capitulation abjecte, c’est ce que vous avez vu dans le passé. Ce qui m’intéresse, ce sont les résultats pour la Grande-Bretagne”, a-t-il martelé, en assurant de sa neutralité dans un dossier relevant “des deux groupes et de leurs actionnaires”.
– Un débat beaucoup plus feutré qu’en France sur Alstom –
Afin d’amadouer le gouvernement, Pfizer – dont le PDG écossais Ian Read a mené une opération séduction la semaine dernière à Londres – a promis qu’il établirait la résidence fiscale du nouvel ensemble et son siège européen au Royaume-Uni.
Il s’est également engagé à achever la construction du nouveau siège et centre de recherche d’AstraZeneca dans la ville universitaire de Cambridge et à ce qu’au moins 20% des emplois de recherche et développement du groupe fusionné soient basés dans le pays.
Les détracteurs de l’Américain ne manquent pas toutefois de rappeler qu’il avait décidé en 2011 de fermer son centre de recherche de Sandwich dans le sud-est de l’Angleterre.
Tradition libérale oblige outre-Manche, ce débat reste néanmoins feutré comparé à celui qui agite la France sur le dossier Alstom.
Et l’avenir de l’industrie du chocolat ou de la défense dans le pays semblaient plus mobiliser les responsables politiques britanniques que celui de la pharmacie, vu l’émotion beaucoup plus grande suscitée par l’OPA de l’américain Kraft sur Cadbury en 2010 ou par la tentative avortée de fusion de BAE Systems avec EADS en 2012.
Il n’en reste pas moins que le dossier Pfizer/AstraZeneca a relancé la question d’un accroissement des pouvoirs d’intervention du gouvernement lors des rachats d’entreprises britanniques par des groupes étrangers comme le préconisent les travaillistes ou Lord Heseltine, figure du parti conservateur et ancien ministre de Margaret Thatcher.
Une question que le gouvernement examine parmi d’autres, a assuré le ministre des Entreprises Vince Cable.