Le droit au compte, un dispositif créé il y a trente ans en France

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évrier 2010 à Paris (Photo : Loic Venance)

[07/05/2014 09:38:35] Paris (AFP) Il garantit l’accès de tous aux services bancaires de base : le droit au compte fête ses 30 ans en France où il continue de prendre de l’ampleur, et devrait être prochainement mis en place à l’échelle européenne.

Un jour d’avril 2014 dans un succursale de la banque de France, place de la Bastille à Paris. Un couple vient déposer une demande pour avoir un compte. Arrivés il y a quatre ans de Tunisie, ils y sont propriétaires d’un logement, mais ne travaillent pas, pour raison de santé. Et, faute de fiche de paye, ils se sont vu refuser l’ouverture d’un compte à deux reprises.

“Nous en avons besoin pour l’assurance-maladie, pour la Caf, les impôts… pour recevoir les prestations familiales pour notre enfant”, raconte la femme de 36 ans, son dossier à la main.

Le couple va pouvoir bénéficier du droit au compte. Créé par la loi bancaire du 24 janvier 1984, le dispositif permet à une personne physique, mais aussi morale, qui se voit refuser l’ouverture d’un compte par un établissement, de saisir la Banque de France, laquelle doit désigner, sous 24 heures, une agence obligée de fournir un service bancaire de base gratuit.

Ce service comprend le compte, un relevé mensuel, des RIB, des possibilités de virements et de prélèvements, de consultation à distance, les retraits d’espèces, une carte de paiement à autorisation obligatoire, mais n’intègre ni chéquier, ni autorisation de découvert.

En trente ans, le nombre de désignations par la Banque de France est passé de 236 la première année à 50.900 en 2013, avec une nette accélération à partir de 1998, puis depuis 2006.

Cette augmentation est liée à “une conjonction de facteurs : d’une part une meilleure connaissance de ce dispositif, d’autre part, peut-être le contexte économique, sans qu’on puisse vraiment mesurer l’effet de la crise”, explique Sylvie Peyret de la Banque de France.

– 99% des ménages bancarisés –

Pour Pierre Bocquet de la Fédération bancaire française (FBF), “le droit au compte est un filet de sécurité efficace, un dispositif (…) qui a démontré sa pertinence, puisque la France a un des taux de bancarisation les plus élevés d’Europe”, avec plus de 99% de la population française déclarant en 2010 posséder un compte de dépôt, selon le Credoc.

Le droit au compte est “un vrai bon dispositif”, estime Alain Bernard du Secours catholique, mais il reste des “difficultés d’accès aux services, c’est-à-dire un moyen de paiement, de crédit, d’épargne, et une capacité de conseil.”

“Le droit au compte est un pis-aller”, juge pour sa part Maxime Chipoy, de l’UFC-Que Choisir, qui défend un “service bancaire universel” empêchant les banques de refuser un client. Une idée jugée contraire à la liberté contractuelle par la FBF.

Deux banques ont été sanctionnées par l’Autorité de contrôle prudentiel (ACPR), chargée depuis 2010 de vérifier la bonne application du droit au compte. LCL en 2013 et la Société Générale en 2014 (qui peut encore contester) ont écopé chacun d’un blâme et une amende de 2 millions d’euros.

L’Autorité relève que des particuliers adressés à des agences au titre du droit au compte, ont finalement ouvert des comptes non pas gratuits mais relevant de l’offre de base tarifée appelée Généris.

Les banques ont également facturé des services bancaires qui auraient dû être gratuits, ou fermé des comptes sans motiver leur décision.

L’ACPR n’y voit pas une volonté de contourner les obligations, mais plutôt une mauvaise connaissance dans les agences de cette procédure peu courante.

“Le nombre de clients relevant du droit au compte représente une très faible part des clients des banques”, précise Caroline de Hubsch-Goldberg, de l’ACPR. “C’est une opération que les chargés de clientèle réalisent une à deux fois par an. Cela suppose donc des procédures didactiques, des formations adaptés et un dispositif de contrôle interne adéquat.”

De son côté, le Parlement européen a adopté en avril un texte du commissaire au marché intérieur et aux services, le français Michel Barnier, qui garantit le droit à un compte bancaire de base à tout résident de l’Union européenne où, selon la Commission, 58 millions de personnes n’ont aucun compte bancaire. Ce dispositif doit encore être approuvé par le Conseil de l’UE, avant d’être transposé aux États-membres.