Etats-Unis : un laisser-faire en trompe-l’oeil sur les OPA étrangères

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à la Bourse de New York, le 21 avril 2014 (Photo : Spencer Platt)

[08/05/2014 09:37:06] Washington (AFP) Protéger ses entreprises d’un rachat étranger? Avocats du laisser-faire économique, les Etats-Unis semblent peu portés vers un interventionnisme à la française, mais les obstacles qu’ils posent à certaines OPA dessinent une réalité plus complexe.

Son rang de première destination mondiale d’investissements étrangers l’atteste: les Etats-Unis disposent d’une économie ouverte sur le monde où chaque entreprise est une cible en puissance et où le “protectionnisme” français à l’oeuvre dans le dossier Alstom –convoité par l’américain General Electric– n’a pas bonne presse.

En 2013, le japonais Softbank s’est ainsi emparé de Sprint, numéro trois de la téléphonie mobile aux Etats-Unis, mais a dû donner des gages au gouvernement. La même année, le n°1 américain des saucisses pour hot-dogs Smithfield Foods s’est vendu pour environ 7 milliards à un investisseur chinois.

“Il y a ici l’idée que l’offre la plus élevée doit prévaloir”, résume Mitchell Marks, spécialiste des fusions-acquisitions à l’université de San Francisco.

– “Sécurité nationale” –

Cette ouverture a toutefois ses limites, d’abord pour des questions d’atteinte à la concurrence mais surtout quand la transaction porte sur des actifs liés à la “sécurité nationale” et à des “infrastructures cruciales”, selon les lois en vigueur.

Dans cette hypothèse, les tentatives de rachat sont examinées par le Comité sur l’investissement étranger aux Etats-Unis (CFIUS), qui regroupe notamment des représentants du Trésor, du département d’Etat de la Défense et du renseignement intérieur.

A l’issue d’un examen qui peut durer jusqu’à 75 jours, cet organe peut approuver la transaction, demander des aménagements ou –cas extrême– recommander au président des Etats-Unis de l’interdire purement et simplement.

En septembre 2012, Barack Obama a ainsi bloqué l’achat par des entreprises chinoises de fermes éoliennes de l’Oregon, dans le nord-ouest du pays, au motif qu’elles étaient situées près d’une base militaire américaine.

“Sa décision est unilatérale, n’est pas soumise à un appel et n’a pas à être justifiée”, précise Samuel Thompson, auteur de l’ouvrage “Fusions, acquisitions et offres amicales” (“Fusion, Acquisition and Tender Offers”).

– Pressions politiques –

Sans aller jusqu’au couperet présidentiel, qui n’avait plus été utilisé depuis 1990, les pressions politiques peuvent également influer sur le processus, notamment quand l’offre vient de pays en délicatesse avec les Etats-Unis (Chine, Russie…).

“Beaucoup d’entreprises étrangères sont surprises par le nombre de mesures anti-rachat qui s’offrent aux entreprises américaines”, assure James Hanks, avocat spécialisé de la firme Venable à Baltimore.

En 2006, confrontée à un tollé du Congrès et malgré le feu vert de la Maison Blanche, la société émiratie DP World avait dû renoncer à six terminaux portuaires aux Etats-Unis, dont celui de New York, dont elle avait pourtant acquis la gestion dans les règles. Les opposants faisaient notamment valoir que deux des auteurs des attentats du 11 septembre 2001 étaient originaires des Emirats.

En 2005, le chinois CNOOC avait, lui, retiré son offre de rachat de la compagnie pétrolière Unocal, s’estimant victime du “climat politique” à Washington. La presse officielle à Pékin avait alors estimé que l’économie américaine n’était pas “libre”.

Le simple fait qu’une OPA soit examinée par les autorités américaines peut par ailleurs faire retomber la fièvre acheteuse des entreprises étrangères, relève le Bureau de recherche du Congrès dans un rapport publié en mars.

Depuis 1990, “près de la moitié” des OPA étrangères soumises à une enquête approfondie des autorités ont ainsi été abandonnées par les acquéreurs sans même attendre un verdict, note cette agence fédérale, estimant qu’une société ne souhaite en aucun cas être associée à une “atteinte à la sécurité nationale des Etats-Unis”.

En 2008, le fonds d’investissement Bain Capital, allié au groupe chinois Huawei, avait retiré sa proposition de racheter le groupe américain de haute technologie 3Com, en anticipant les réserves du Comité sur l’investissement étranger aux Etats-Unis.

La France, elle, rencontre généralement moins de résistance outre-Atlantique. En décembre 2006, le groupe de télécoms Alcatel avait obtenu l’agrément –sous condition– des autorités pour racheter l’américain Lucent.

“Pour des pays aussi proches des Etats-Unis que la France ou le Royaume-Uni, les risques pour qu’une transaction soit interdite sont très, très faibles”, assure M. Thompson.