Le commissaire européen, le pâtissier grec et les milliards de l’UE

4382000a891b32c7c480f06effac8f07ab391bc1.jpg
éen autrichien Johannes Hahn, gardien de la manne des fonds structurels, à Athènes le 25 avril 2014 (Photo : -)

[08/05/2014 21:19:30] Rhodes (Grèce) (AFP) Encourager une jeune brasserie artisanale, s’intéresser à la recherche en sismologie, tonner contre les décharges illégales: la mission du commissaire européen Johannes Hahn, gardien de la manne des fonds structurels, prend un relief particulier dans une Grèce arrimée aux crédits communautaires.

“Les crédits européens nous ont permis de rester debout”. Pour ce député du Dodécannèse, archipel aux confins orientaux de l’UE, le constat est simple: quand la crise assèche l’investissement public et les liquidités bancaires, les milliards versés par l’Europe au titre de la politique de cohésion, restent le seul recours.

Le grand ordonnateur de ces subsides, deuxième poste budgétaire de l’UE après la Politique agricole commune, est cet ex-ministre autrichien tout en retenue, Johannes Hahn. Sur le terrain à Rhodes fin avril, il est assailli de doléances de responsables politiques et économiques.

“Que faire pour maintenir le +capital humain+ de nos îles ? Pourquoi l’UE ne subventionne pas les liaisons maritimes qui nous manquent ? Pensez-vous sincèrement que la télémédecine va pallier le manque de praticiens ?”

Combien de fois le commissaire à la politique régionale a-t-il déjà répondu que “l’Europe ne peut pas résoudre tous les problèmes mais peut en diminuer certains”, que c’est aux Grecs “de prendre les bonnes décisions, de faire leurs choix” ?

Rhodes et ses îles, au sud-est de l’Egée, est la dixième des treize régions visitées par le commissaire depuis qu’il s’est engagé, au plus fort de la crise, à rencontrer toutes les autorités locales grecques et un maximum de projets financés par l’UE.

Une manière, explique-t-il, “de montrer que l’Europe n’est pas que dans les capitales, de se faire une meilleure idée de la réalité et de motiver” les élus.

Ceux-ci manifestent d’ailleurs moins d’hostilité à l’UE qu’au pouvoir central d’Athènes.

“Athènes nous laisse très peu d’autonomie financière, nous n’avons que des dettes à gérer. La bureaucratie est terrible. Le gouvernement se résume à un ministère des Finances dont le seul souci est d’atteindre des objectifs chiffrés”, éreinte le gouverneur de la région Ioannis Machairidis, membre pourtant du parti socialiste partie de la coalition au pouvoir.

– Justifier chaque dépense –

La Grèce a été l’un des grands bénéficiaires des crédits européens après son entrée dans la CEE en 1981. Selon une étude d’Eurobank, entre 2000 et 2006, le PIB grec a gagné chaque année 1,6% de plus qu’il ne l’aurait fait sans fonds de cohésion.

Certains attribuent à ces largesses et à leur mauvaise gestion, la croissance déséquilibrée qui a coûté cher au pays.

Désormais, “la politique de cohésion pose des conditions à remplir afin d’améliorer la qualité et la cohérence des projets financés. Par exemple, pour construire une route, vous devrez présenter une stratégie de transports incluant tous les modes de déplacement”, défend Johannes Hahn.

Le programme de cohésion 2007-2013 avait alloué à la Grèce 20,2 des 354,2 milliards d’euros de l’enveloppe communautaire. Le nouveau (2014-2020) verra le pays passer du 8e au 10e rang des montants avec 15,5 milliards sur 310,8.

En Grèce, impossible d’ignorer que ces fonds sont gérés par le “Cadre national stratégique de référence” (ESPA) tant son logo est présent dans l’espace public: hôtels, commerces, routes, ports, écoles, programmes d’embauches de chômeurs, start-up…

Tassos, 35 ans, qui a ouvert fin 2013 sa pâtisserie dans le centre d’Athènes, pensait ne pas être éligible à cette aide. Aujourd’hui, il attend le versement avant l’été de 80.000 euros qu’il a dû avancer, les fonds n’étant déboursés qu’après réalisation du projet.

“Tu dois tout prouver, citer tes formations, donner la marque des frigos achetés, le nombre d’étagères, envoyer des photos. Il y a eu trop d’abus passés”, observe-t-il.

Sous pression renforcée de l’UE depuis le début de la crise, et par nécessité financière, la Grèce a considérablement amélioré le sacro-saint “taux d’absorption” des crédits européens, passant de la 18e à la 4e place des 28 Etats membres, avec 77% de l’aide octroyée désormais utilisée.