Le
tapis traditionnel tunisien peine, ces dernières années, à garder sa place de
patrimoine précieux, en raison de multiples problèmes ayant trait, entre autres,
à la commercialisation.
Pourtant, les plus anciennes traces de tapis datent de l’époque carthaginoise
(5ème siècle av. J.-C), alors qu’au 8ème siècle, l’émir aghlabite payait le
tribut, au Calife de Bagdad, en tapis.
Ce tissage traditionnel utilisé dans les milieux citadin, campagnard ou nomade
comme tapis de sol, de selle, de prière ou de décoration, n’est plus la vedette
des produits artisanaux. Sa production a chuté spectaculairement, pour plusieurs
raisons.
Selon les chiffres de la Fédération nationale de l’artisanat (FNA), cette
production est passée de 170.000 m2 avant 2011, à seulement 36.584 m2 en 2013.
Cependant, la valeur des exportations contrôlées par l’ONA s’est accrue de
13,4%, par rapport à l’année 2012, pour atteindre en 2013 près de 35,6 millions
de dinars grâce à une reprise de l’activité touristique.
Toutefois, la conjoncture économique n’a pas aidé l’artisanat tunisien,
souffrant déjà d’un manque de soutien et d’encouragements, à être plus visible
et plus prospère. Depuis 2011, la pénurie de touristes et la clientèle “all
inclusive” au pouvoir d’achat relativement bas, et les produits asiatiques qui
envahissent les marchés et les boutiques, sont à l’origine des maux qui grèvent
le secteur artisanal.
Par conséquent, la main-d’œuvre se fait de plus en plus rare et n’a aucune
formation, particulièrement dans la confection du tapis qui demeure une tâche
parmi les plus pénibles et qui exige doigté et patience.
Pour Jalila khlïa, productrice de tapis et vice-présidente de la Chambre
nationale du tapis et du tissage relevant de l’UTICA, la baisse de la demande
sur le tapis traditionnel est due essentiellement à la crise du secteur
touristique, étant donné que l’activité artisanale y est viscéralement liée.
MMe Khlïa va plus loin et déclare que le métier de confection du tapis est
aujourd’hui quasiment,abandonné. “Les ateliers de confection dans les régions ne
dépassent pas une dizaine d’artisanes chacun, le reste des ouvrières travaillent
en sous-traitance”.
Pour ses ateliers de Béja et Gabès, “50 femmes seulement continuent d’y
travailler pour des salaires qui ne dépassent pas 150 dinars, car chacune ne
produit généralement, qu’un mètre carré de tapis, par mois”.
Les professionnels doivent exiger, d’après elle, de l’Etat des solutions
urgentes, dont des primes d’au moins 50 dinars au profit des artisanes, afin de
porter leurs salaires à 200 dinars.
Je pense que cette prime encouragerait les artisanes à travailler chez elles en
mode “sous-traitance à distance” au lieu d’aller travailler au sein d’usines
industrielles, a-t- elle estimé.
“La formation pour concilier modernité et authenticité”
Mme Khlïa a plaidé aussi, en faveur d’une formation continue des artisanes, a
qui manque encore, la rapidité et la productivité, et un coaching pouvant être
organisé à leur profit, au sein du Centre technique du tapis.
“Pour pérenniser ce métier ancestral, les centres de formation professionnelle
ont un grand rôle à jouer, pour initier les jeunes générations à la confection
du tapis et susciter chez elles, un sentiment de responsabilité envers ce
patrimoine menacé de disparition”.
C’est, en fait le manque de formation et la lenteur dans les délais de
confection qui sont aussi, à l’origine de la baisse de la production de tapis.
“Si j’ai une équipe bien formée, je peux aller au-delà de 300 m2 de tapis, alors
que je ne produit actuellement, que 20 à 25 m2”, a-t-elle déclaré.
Une autre productrice de tapis, Monia Khadhraoui Nagra, envisage de changer de
méthodes de travail pour pallier au problème de la lenteur de la confection des
tapis.
“Je vais acheter des machines à pédales afin d’augmenter la productivité et par
de-là améliorer la rémunération des artisanes”, a-t-elle dit.
Elle oeuvrera également, à perfectionner sa formation pour “acquérir de
l’expertise et le savoir-faire nécessaires” et à améliorer la commercialisation
de ses tapis en participant, à des salons nationaux du tapis.
Elle a insisté, par ailleurs, sur la nécessité d’aménager des marchés
spécialisés pour la commercialisation des tissages traditionnels.
Mme Khadraoui a estimé que la fabrication du tapis peut jouer un grand rôle dans
la création d’emplois et la sauvegarde de notre héritage artisanal et culturel.
Souâad Belkhayria, professionnelle du tissage et des tapis, a évoqué, quant à
elle, le problème de la commercialisation de ses produits, en raison d’un manque
de communication et de campagnes promotionnelles.
Le Salon national de l’artisanat lui a permis d’écouler une bonne partie de ces
produits, d’après son témoignage. «Si des salons de l’artisanat sont organisés
dans les régions, cela va nous aider à vendre et à fidéliser davantage de
clients», a déclaré la jeune femme, formulant l’espoir de voir l’Etat réagir en
s’attaquant aux problèmes structurels du secteur du tapis et des tissages ras.
Raja Ayadi, directrice de l’information au sein de l’Office national de
l’artisanat a constaté un nouvel engouement des tunisiens pour le tapis local,
lors des campagnes de sensibilisation lancées par l’ONA, le mois du tapis, le
salon de l’artisanat, DAR DECO… et a fait savoir que l’office va s’orienter à
l’avenir, vers la promotion du tapis sur le marché local, en multipliant les
manifestations dans ce sens”.
La Tunisie compte 10 grandes entreprises de confection du tapis installées dans
le nord et le sud du pays outre trois grandes entreprises de sous-traitance
fournissant les matières premières aux artisans. Pour la commercialisation, 25
sociétés sont actives dans le pays, notamment sur le littoral tunisien.