Concilier business et valeurs : l’entrepreneuriat social séduit les étudiants

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ère professionnelle qui soit compatible avec leurs idéaux et quête de sens
(Photo : Marion Ruszniewski)

[11/05/2014 15:02:13] Paris (AFP) “Enfants de la crise”, de plus en plus d’étudiants rêvent aujourd’hui d’une carrière professionnelle qui soit compatible avec leurs idéaux et leur quête de sens, d’où le succès grandissant des cours sur le “social business”.

“Au début, quand je cherchais un stage dans l’entrepreneuriat social, je passais un peu pour un extraterrestre”, se souvient Jonas Guyot, étudiant à l’école de management ESCP Europe, qui vient de publier, avec Matthieu Dardaillon, “A la rencontre des entrepreneurs qui changent le monde” (éditions rue de l’Echiquier).

“Aujourd’hui, j’ai le sentiment que le sujet intéresse de plus en plus”, poursuit-il.

Leur livre relate leur aventure: une année de missions auprès d’entrepreneurs sociaux aux Philippines, en Inde, au Sénégal, dont ils ont tiré la conviction qu’il est possible d’agir pour “contribuer à alléger les problèmes sociaux ou environnementaux” de la planète.

Depuis quelques années, les cours sur l’entrepreneuriat au service de l’intérêt général ont fleuri au sein des écoles de commerce, grandes écoles et universités.

“Tout le monde a mis en place son petit module”, confirme Thierry Sibieude, qui a cofondé il y a onze ans la chaire “entrepreneuriat social” de l’Essec.

“On est parti du principe qu’il y avait des besoins sociaux que ni les politiques publiques ni l’entreprise privée n’étaient capables de satisfaire totalement”, explique-t-il. “L’idée était de dire qu’il y a des entreprises dont la finalité doit être sociale”, poursuit-il. Si à l’époque “on était très innovant”, “la crise de 2008 a donné une force au discours selon lequel le +tout financier+ ne peut pas forcément toujours convenir”, ajoute-t-il.

Aujourd’hui, des centaines d’étudiants se ruent chaque année sur ces enseignements, souvent complets quelques minutes après le début des inscriptions.

Romain Slitine, qui dispense depuis trois ans à Sciences-Po Paris un cours sur le sujet, évoque un véritable “engouement”. “Ces jeunes, en quête de sens, veulent pouvoir concilier leurs valeurs, leur vie personnelle et leur engagement professionnel”, explique-t-il. Pour cela, “ils sont prêts à avoir des salaires plus modestes”, affirme le trentenaire, qui a cofondé Odyssem, une structure d’accompagnement des entreprises de l’économie sociale et solidaire dans leur développement.

-‘Le lien social se délite’-

Emma Ghariani, 23 ans, est l’une de ses élèves. En première année de master, elle a déjà travaillé en Tunisie à l’ambassade de France et s’apprête à écrire un mémoire sur les entrepreneurs sociaux dans ce pays.

“Les jeunes aujourd’hui cherchent du sens”, explique-t-elle. “Nous sommes les enfants de la crise, sociale, environnementale; nous avons tous autour de nous au moins une famille touchée par le chômage”.

Le gros problème, selon elle, c’est que “le lien social se délite”. Face à ce constat, elle trouve dans l’économie sociale et solidaire le moyen de “changer les perspectives, de recréer du lien”. “Ca vous retourne le cerveau”, s’enthousiasme-t-elle. “Ca insuffle de l’optimisme, qui manque en France aujourd’hui. C’est aussi le moyen de redonner du pouvoir aux individus, aux citoyens, tout en gagnant de l’argent”.

Car s’ils aspirent à une société plus solidaires, ces étudiants ne renoncent pas au “business”. Ils veulent seulement en faire autrement.

“Avant, on envisageait le travail la journée et l’engagement associatif le soir ou le week-end, aujourd?hui on veut pouvoir tout concilier”, souligne Aymeric Marmorat, directeur d’Enactus, une association qui aide les étudiants à réaliser des actions d’entrepreneuriat social.

De 2010 à 2013, le nombre de jeunes accompagnés a été multiplié par trois. Les projets ont aussi nettement changé de nature. “Si 80% des étudiants s’intéressaient il y a trois ans à des projets internationaux et 20% à des actions en France, la proportion s’est depuis inversée”, indique Aymeric Marmorat.

Car les besoins sont là, sur les territoires, souvent liés à “l’insertion professionnelle”, explique-t-il. “C’est d’ailleurs le message que l’on fait passer: il y a beaucoup de choses à faire en France pour les entrepreneurs sociaux”.