L’entrée sur le sol tunisien de touristes/pèlerins israéliens est devenue une affaire politique. Certains cherchent à la rendre passionnelle. A cause de ce risque d’amalgame, l’affaire devient délicate à traiter. L’aborder avec discernement et elle sera vite désamorcée. Il nous semble que l’administration tunisienne abonde dans cette voie.
En revanche, l’abandonner à l’amalgame populiste en ferait une question explosive. Le combat est celui du génie tunisien contre les démons de la “rue arabe“. Cela nécessite du doigté.
Pour couper court à la zizanie qui s’installe, ne faut-il pas un débat public, franc et responsable?
Stop! Assez! Le parasitage d’actualité autour de cette question d’entrée des touristes israéliens, pour effectuer le pèlerinage de la Ghriba, doit se terminer. Les pouvoirs publics ont fait le nécessaire. Les responsables se sont expliqués devant l’opinion. Toute la lumière a été faite sur la question. L’Etat tunisien n’a pas collaboré avec la puissance sioniste en accueillant, pour la énième fois, des touristes israéliens. Il n’a pas davantage entériné l’occupation des territoires pas plus qu’il ne s’est engagé sur la voie de la normalisation.
Alors pourquoi cette bourrasque? Pour mimer le dialecte juif tunisien “Griba ouallahi, toute cette chouha, pour rien“. Ca suffit! Nous ne voulions pas nous en mêler pour ne pas participer à entretenir ce persiflage qu’on présente comme un débat politique.
Toutefois, il nous a fallu réagir devant l’obstination de certains à propager une zizanie vaine, stérile et improductive, dans les couches populaires. Quand nous avons vu que, dernièrement, dans la ville de Gafsa on a organisé une marche de contestation pour abuser le bon peuple, alors nous avons pris nos responsabilités. Tirons les choses au clair.
Le visa aux touristes israéliens ne vaut pas normalisation avec l’Etat d’Israël
Est-ce que la tolérance religieuse et la clémence administrative valent renoncement à la cause palestinienne? La réponse est claire pour tout esprit normalement constitué. L’on fait donc un faux procès à l’administration pour avoir accepté que des pèlerins israéliens s’acquittent, sous certaines restrictions de mobilité sur le territoire tunisien, d’un office religieux.
Pourquoi laisser sous-entendre, de manière sournoise donc malveillante, que l’Etat tunisien se couche devant l’Etat d’Israël? En essayant de montrer que l’Etat tunisien, pour une poignée de devises, plie au diktat israélien, dans l’espoir de réactiver le secteur touristique, on fait un mauvais procès au tourisme. Réanimer un secteur “dépravé“ au prix d’un renoncement à des valeurs essentielles, pensez donc.
L’amalgame est redoutable! Il est cependant cousu de fil blanc. Le subterfuge est facile à démasquer. On y décèle tous les ingrédients des fanatiques de l’islamisme. Faute d’obtenir une Constitution qui nous aurait confinés dans un communautarisme belliqueux, ils tentent de revenir dans la partie en rallumant la dimension passionnelle du conflit israélien. Et la ficelle est si grosse que la tentative de remettre l’affaire palestinienne dans un cadre de confrontation religieuse est désespérée. N’empêche, ils ont tenté le coup.
Faut-il oublier que les Arabes ont parlé d’une seule voie?
Il y a une date à célébrer avec autant de ferveur que la journée de la Nekba, par laquelle les Palestiniens se rappellent à la perte de leur terre. C’est un jour de mars 2002 quand, à Beyrouth, les Etats arabes ont adopté le plan Abdallah. On a enfin vu, de notre vivant, les Arabes parler d’une seule voix.
Les 22 pays arabes ont adopté, sans se déjuger depuis, le plan de règlement de la question palestinienne. Le plan Abdallah nous garantit quatre avancées précieuses.
La première est qu’il ramène la question à sa dimension nationale, c’est-à-dire d’un conflit d’occupation entre Israël et la Palestine.
La seconde est que l’Autorité palestinienne est seule à assumer la stratégie de résistance et de négociation face à l’occupant. Aucun Etat n’a le droit de la chahuter.
La troisième est que les Arabes soutiennent la question palestinienne non pas par solidarité ethnique et confessionnelle mais parce que cette cause est juste.
La quatrième est que les Arabes abandonnent le principe de la destruction de l’Etat d’Israël. Il avait été déclaré “caduc“ selon l’affirmation fracassante du leader Yasser Arafat faite à Roland Dumas, du temps où ce dernier était ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand. Ce faisant, les Etats arabes entérinent, dans cette foulée, le principe des deux Etats. Et depuis cette date, le mot d’ordre est devenu à l’unanimité “la terre contre la paix“.
On sait que cette solution a délégitimé toute la politique israélienne d’occupation, comme jamais auparavant, face à l’opinion internationale.
Peut-on être plus royaliste que le roi?
Israël cherche par tous les moyens à faire dérailler le processus de paix. Il s’acharne à lui redonner, désespérément nous le pensons, cette dimension émotionnelle et passionnée de guerre de religion. Il pense que les partisans de l’obstination islamiste peuvent lui servir de relais.
La dernière arme, fourbie par Israël, à l’occasion du “round John Kerry“, a été la proposition de l’Etat juif. Après s’être enfermé derrière une barrière physique en béton, Israël veut aller vers une homogénéisation spirituelle de la population et donc l’enlisement du processus. La meilleure façon de servir cette thèse est de dresser des obstacles contre la venue de pèlerins israéliens en Tunisie.
Pour cacher le côté artificiel et surfait de l’opération, on agite le chantage à la normalisation. Les irréductibles de l’islamisme radical en Tunisie ont été récemment désavoués par leur dernier porte étendard, le mouvement Hamas. Ce dernier n’a-t-il pas rejoint l’union sacrée pour former un gouvernement palestinien d’unité nationale? Et le Hamas, dans un élan de réalisme, n’a-t-il pas abandonné le principe de destruction de l’Etat d’Israël, retirant définitivement le tapis de sous les pieds des obscurantistes? Peut-on être plus royaliste que le roi?
Accepter des pèlerins israéliens sur le sol de Tunisie est la preuve que les Arabes ont entériné le principe de l’échange. A travers les Tunisiens, les Arabes prouvent qu’ils acceptent de pacifier leurs relations, sans encore les normaliser. La Tunisie montre qu’on peut être Etat arabe et musulman sans être islamiste. C’est donc le meilleur antidote à l’argument de l’Etat juif, qui n’est en fin de compte qu’une revendication des sionistes et non des juifs. Elle serait donc une revendication idéologique et non religieuse. C’est ce qui explique qu’elle ait fait un énorme flop.