La dette des pays du sud de la zone euro, le nouvel eldorado des marchés

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ège de la Banque centrale grecque à Athènes le 25 février 2013
(Photo : Louisa Gouliamaki)

[15/05/2014 14:41:22] Paris (AFP) Reprise économique, banques centrales à la man?uvre et recherche de rendement attisent les convoitises des investisseurs pour la dette des pays du sud de la zone euro.

L’engouement pour ces obligations n’est pas nouveau puisqu’il a débuté en juillet 2012 quand le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a assuré qu’il ferait tout pour sauver l’euro.

Il s’est toutefois singulièrement accéléré depuis le début de l’année, au point que les taux d’emprunt à 10 ans de l’Espagne et de l’Italie ont battu des records, passant sous les 3%. Celui du Portugal, qui doit sortir du plan d’aide le 17 mai, est quant à lui descendu sous 4%.

Si ce mouvement peut sembler exagéré, les marchés sont loin d’être irrationnels et s’appuient sur des facteurs bien identifiés.

“Je ne pense pas que ce soit une bulle. Ce que l’on peut dire en revanche c’est que les taux ont baissé beaucoup plus vite que le pensaient les analystes et même certains investisseurs”, note Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis.

La baisse des taux est brusque, tout comme l’avaient été les attaques spéculatives dont ces pays ont été victimes pendant la crise de la dette poussant le taux espagnol et italien jusqu’à 7,5% respectivement en juillet 2012 et novembre 2011.

– “Prématuré de parler de bulle” –

Pour Frédéric Gabizon, responsable des marchés primaires obligataires chez HSBC France, “il est prématuré de parler de bulle, dont le terme est par ailleurs un peu galvaudé”.

“La nature des marchés est double. Ils anticipent et ils amplifient. Ces caractéristiques se reflètent parfaitement dans la situation actuelle du marché obligataire de la zone euro”, poursuit-il.

Assis sur une montagne de liquidités grâce aux largesses des banques centrales et à la recherche de rendement, les investisseurs se tournent logiquement vers les dettes des anciens parias des marchés, d’autant qu’ils ont retiré leurs fonds des pays émergents.

“L?investisseur qui était frileux et ne voulait pas acheter de l’Espagne et de l’Italie l’an dernier, a été un peu contraint d’en prendre parce que les actions peinent à se relancer depuis le début de l’année”, souligne M. Regnat.

L’autre grand argument est celui lié à la reprise économique en cours dans ces pays, forme de récompense après les lourds efforts consentis ces dernières années.

“Les investisseurs se disent que la crise de l’euro est plutôt derrière nous que devant nous. Ils sont rassurés par le fait que des pays comme l’Espagne, l’Italie ou le Portugal ont mis en place des réformes de structures”, selon M. Gabizon.

Cette amélioration économique a d’ailleurs poussé les agences de notation à relever leur perspective et parfois la note de ces pays, créant un cercle vertueux.

Les analystes s’accordent pour dire que la plus grande partie du chemin a été faite. Autrement dit, il y a toutes les chances que la détente soit désormais plus faible voire qu’il y ait une sorte de retour de bâton.

– Craintes d’une “correction” –

“Comme toujours le marché va probablement à un moment se stabiliser ou subir une légère correction. Mais il faut garder en tête que certains investisseurs institutionnels parmi les plus prudents ne sont pas encore revenus, comme certaines banques centrales ou institutionnels européens par exemple”, explique M. Gabizon.

Pour Ronan Blanc, gérant chez Quilvest Gestion, “une correction est possible mais il y a pas mal de garde-fous”.

Les investisseurs auront en effet tout intérêt à acheter ces dettes tant que leurs rendements restent plus rémunérateurs que les obligations allemandes, ce qui pourrait être encore le cas tant que les banques centrales maintiennent leur taux à des planchers historiques.

La Banque centrale européenne (BCE) a même laissé entendre qu’elle pourrait en faire plus si besoin, pour combattre un risque de déflation par exemple.

Et tant pis si la croissance est encore faible et si les ratios de dette par rapport à la richesse nationale reste élevés.

“Les investisseurs se disent que d’autres zones, comme les émergents, ont plus de problèmes”, explique M. Blanc, qui ajoute que “la baisse des taux évite une dégradation trop significative de la dette en zone euro”.

Concentrés sur l’exécution budgétaire annuelle, les investisseurs “savent qu’il va falloir attendre un peu pour avoir une inflexion de la dette”, souligne M. Regnat.

Et de conclure: “On est face à une tendance de fond, sauf si les politiques nous font mentir ou s’il y a des dérapages budgétaires extrêmement importants”.